Le Ratafia, un vin de liqueur singulier : ça vous parle ?

Le Ratafia, un vin de liqueur singulier : ça vous parle ?

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Longtemps resté dans l’ombre des bulles, le Ratafia champenois revient sur le devant de la scène. Derrière sa douceur familière, ce vin de liqueur identitaire et pluriel révèle aujourd’hui un vrai tempérament d’auteur. Vignerons engagés, cuvées audacieuses, cocktails inspirés : Yoann Palej part à la rencontre de ceux qui réinventent cet élixir de mémoire avec un œil neuf… et le goût du partage. Morceaux choisis.

Les ratafias : des boissons qui ont le vent en poupe - Crédit photo : Yoann Palej
Les ratafias : des boissons qui ont le vent en poupe - Crédit photo : Yoann Palej

Quand j’étais gamin à Troyes, le Ratafia ouvrait les repas de famille. Un petit verre ambré pour les grands, une douce odeur de fruits secs et de caramel flottant au-dessus de la nappe. Pour moi, c’était le parfum des fêtes, un prélude au foie gras, aux gougères et aux rires à peine étouffés. Puis les années ont passé, et avec elles, le Ratafia s’est effacé. Jusqu'à ce qu’un jour, je le recroise, au détour d’une dégustation. Même robe, même douceur... mais une histoire toute neuve à raconter.

Car le Ratafia champenois n’est plus ce mal-aimé relégué aux apéros poussiéreux. Il revient. Mieux : il réinvente sa place. Sous l’impulsion de vignerons passionnés et de maisons engagées (le nombre d’adhérents à l’association du ratafia champenois, du marc et de la fine champenoise a doublé en 10 ans, passant de 200 à plus de 400), il devient aujourd’hui une expression à part entière du terroir champenois. Et une passerelle entre tradition et modernité.

Mais d'abord, un rappel. Le Ratafia champenois est un vin de liqueur obtenu par mutage de moût de raisin avec une eau-de-vie champenoise. Il titre entre 16 et 22 % vol., avec un sucre naturel d’environ 110 g/litre. Il a reçu son IG en 2015, mais son histoire remonte bien plus loin : un savoir-faire populaire, longtemps resté dans l’ombre du Champagne. C'est du bon sens paysan : valoriser ce que l'AOC ne prend pas, explique Claude Giraud dont la Maison Henri Giraud a réhabilité le ratafia dès les années 90. Un kilo de raisin, c’est 62 cl utilisés pour le Champagne. Le reste ? On le transforme. Ce dernier a toujours œuvré pour lui donner une reconnaissance légale.

Le ratafia : un espace de liberté et de création

Aujourd’hui, ce bon sens devient une source de créativité. Chez Moutard, véritable locomotive du renouveau du Ratafia, la distillerie familiale de la Côte des Bar propose une gamme impressionnante : pinot noir élevé 5 ou 10 ans, versions sans soufre, assemblage des 6 cépages champenois, solera, essais de vieillissement en plein air, et même un "Grand Extraordinaire" passé par le Champagne, le Ratafia, le whisky, avant de revenir en fût pour une dernière métamorphose. Ce que notre père et notre grand-père nous ont transmis, on le pousse plus loin, avec audace et patience, explique Alexandre Moutard.

Les familles Moutard et Giraud sont de véritables locomotives du renouveau du Ratafia champenois - Crédit photo : Yoann Palej
Les familles Moutard et Giraud sont de véritables locomotives du renouveau du Ratafia champenois - Crédit photo : Yoann Palej

Même envie de création chez Boizel, avec son "Ratafia Nouvelle Vague". Nous avons eu envie de mettre en lumière cette boisson traditionnelle locale, de la faire connaître et de l’adapter à une vision contemporaine. C’est pour nous un espace de liberté, de création plus libre que le Champagne, ajoute Florent Roques-Boizel. Là où le champagne impose ses codes, le Ratafia permet plus de souplesse, plus de fruit, plus d’instinct.

Le style ? Fraîcheur, accessibilité, finesse. Un assemblage de meunier et de chardonnay, élevé 24 mois en fûts anciens puis une année en bouteille. L’alcool de mutage, choisi pour son profil neutre, laisse le fruit s’exprimer pleinement. Il s’adresse à tous les épicuriens curieux, pour nous c’est un produit de gastronomie, de découverte que nous voulons accessible et simple. Le Ratafia Champenois est en plein développement, une nouvelle génération de vignerons et maisons se l’approprie et apporte une nouvelle dynamique.

Le ratafia : un produit de gastronomie mais aussi une porte d’entrée en mixologie

Dans l’Aube toujours, Chassenay d’Arce fait le choix d’une approche artisanale, presque locavore. Alcools distillés à 15 km de la maison, fûts "cigare" confectionnés à partir de chêne de Cunfin ou Champignol lez Modeville, flacons cirés à la main. Le Ratafia, c’est notre identité de vigneron et cela fait partie de notre patrimoine, tout le monde a un souvenir en tête ici en Champagne, affirme Romain Aubriot, le chef de cave. Et bientôt, des cuvées monocépages 100% pinot noir, chardonnay ou pinot blanc viendront enrichir l’offre.

Chez Henri Giraud, la démarche se veut radicale et racée : mutage à la sortie du pressoir, préférence pour les noirs, élevage en fûts et en solera pendant 3 ans. Le Ratafia est par définition un spiritueux de longue garde, il en a tous les atouts. Et c’est une alternative douce et noble aux spiritueux lourds et sucrés comme le Porto, prolonge Claude Giraud. Il se sert avec un cigare, sur un sashimi, un Roquefort, un Bleu d’Auvergne ou au détour d’une discussion impromptue.

Chassenay d’Arce et Collery, deux Maisons et deux approches différentes mais un même intérêt pour le retour en grâce de ce spiritueux unique - Crédit photo : Chassenay et Collery
Chassenay d’Arce et Collery, deux Maisons et deux approches différentes mais un même intérêt pour le retour en grâce de ce spiritueux unique - Crédit photo : Chassenay et Collery

Quant à Collery, la mission est claire : sortir le Ratafia de l’oubli et le faire briller à nouveau. Il est dans une phase incertaine, comme une espèce en voie de disparition qu’on aurait sauvée de justesse, résume Romain Levecque, directeur commercial et marketing chez Champagne Collery. C’est un produit qui était complètement tombé en désuétude il y a une quinzaine d’années et qui bénéficie d’un nouvel élan grâce au sourcing de certains restaurants gastronomiques de notre région.

Pour lui redonner sa place, la maison mise sur la qualité - fine de Champagne vieillie sous bois, moûts de première presse, élevage en solera - et sur le soin apporté au contenant. Mais aussi sur un mode de consommation alternatif. Il est souvent réducteur de le voir seulement comme un vin de dessert ou un digestif léger et le réinventer en cocktail permet de l’ouvrir à un nouveau mode de consommation, beaucoup plus universel et surtout beaucoup plus dans l’air du temps, poursuit Romain Levecque. Le cocktail, à base de ratafia et de tonic, autour de 6% d’alcool, incarne à merveille cette volonté d’ouverture vers des consommations plus fraîches, modérées et actuelles.

Un trait d’union entre l’ancien et le contemporain

Dans les verres, la diversité est au rendez-vous. Certains Ratafias se font tendres et fruités, d’autres jouent la complexité oxydative, l’épice, la profondeur. On les sert frais, en apéritif, avec du chocolat, du foie gras, une tarte aux mirabelles. Plus audacieux ? Essayez-les sur un fromage à pâte persillée, un plat japonais, ou en cocktail. Le Ratafia se redécouvre, se métisse, se partage.

Boizel et son ratafia “Nouvelle Vague”, assemblage de meunier et de chardonnay, élevé 24 mois en fûts anciens puis une année en bouteille. Crédit photo : Maison Boizel
Boizel et son ratafia “Nouvelle Vague”, assemblage de meunier et de chardonnay, élevé 24 mois en fûts anciens puis une année en bouteille. Crédit photo : Maison Boizel

Loin d’être un produit figé, il devient une langue vivante. Un reflet de l’esprit champenois, de son sens du détail et de sa capacité à se réinventer. Le Ratafia champenois est un magnifique produit, conclut Alexandre Moutard dont la distillerie familiale remonte à 1892. Plus les vignerons et maisons en élaboreront et commercialiseront plus nous aurons de la visibilité. Je suis persuadé qu’il va devenir une référence dans le monde du spiritueux tout comme le Champagne l’est au vin.

La gamme des Ratafias Moutard s’étend d’année en année, ici un X.O. de pinot noir avec un minimum de 10 ans en fût - Crédit photo : Yoann Palej
La gamme des Ratafias Moutard s’étend d’année en année, ici un X.O. de pinot noir avec un minimum de 10 ans en fût - Crédit photo : Yoann Palej

Une sorte de trait d’union entre l’ancien et le contemporain. Et pour moi, un compagnon de route retrouvé. Celui qui me rappelle pourquoi j’aime tant raconter le vin : parce qu’il parle d’hier, de demain, et de toutes les histoires qu’on peut encore partager autour d’un verre.


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