
L'agriculture biodynamique : où en est-on ?

Utilisation de préparations naturelles, travail avec les cycles lunaires, nombreux sont ceux qui affirment que l’agriculture biodynamique crée de meilleurs vins, plus vivants, plus savoureux. Probablement ni l’un ni l’autre dans l’absolu, même si certains vous diront l’inverse, en tous cas, ce n’est pas dans cet article que l’on vous dira ni quoi penser, ni qui a raison. En revanche, on peut vous dire, un peu, en quoi cela consiste et ce qu’on reproche à l’agriculture biodynamique.
Agriculture biodynamique : une agronomie philosophique
L’agriculture biodynamique est un système de production, incluant un ensemble de pratiques élaborées et définies par une approche holistique et naturelle du vivant.Agir ensemble pour une consommation et une production agricole positives pour la Terre, et génératrices de santé pour l’humain, les animaux et les plantes
: l’objectif est de dynamiser les sols, les plantes, les rendre plus forts, plus résilients face à la maladie, considérer l’ensemble des aspects du vivant, y compris les mouvements cosmiques et planétaires.

Les pratiques vont donc chercher à favoriser la biodiversité animale et végétale, à régénérer la vie du sol, à mieux gérer l’eau, à soigner les plantes par les plantes et à passer de l’utilisation des pesticides à la régulation du parasitisme, grâce à des préparations à base de plantes, à pulvériser ou introduire dans les composts. En viticulture, certains affirment également qu’on obtient des vins qui expriment ainsi mieux le terroir et intensifie toutes les qualités du raisin, et donc du produit fini.

L’agriculture biodynamique : comment ça marche ?
Préparations naturelles, rythmes solaires, lunaires et planétaires : l’agriculture biodynamique se fonde sur l’existence de forces et d’énergies invisibles, ayant une influence sur le vivant, qui irait au-delà de l’influence mécanique que l’on peut observer, comme les marées.
On a coutume de dire que la biodynamie pousse le bio plus loin, avec pour principale différence la prise en compte des mouvements cosmiques. Les plantations seront ainsi effectuées en phase lunaire descendante, au moment où les racines tirent vers le bas, ce qui aidera à l’enracinement. Même chose au chai, où par exemple la mise en bouteille sera réalisée en phase descendante, lorsque les arômes se rétractent et pourront donc rester plus longtemps. Les jours sont répartis en jours fruit et fleur (favorables à la dégustation et au travail sur la plante), et les jours racine et jours feuille (défavorables à la dégustation et favorable au labour ou piochage). L’ensemble est encadré au travers de 2 labels maintenant bien connus : Demeter et Biodyvin.

La vérité sur l’agriculture biodynamique est ailleurs ?
Bien qu’il y ait des études tendant à démontrer l’efficacité des pratiques biodynamiques, les résultats font débat. Partir du postulat que certaines forces existent et influencent le vivant sans toutefois pouvoir l’objectiver ouvrent des brèches dans lesquelles les scientifiques peuvent remettre en cause la validité de la biodynamie. Aux éventuels prosélytes de jurer que la vérité est dans l’invisible, et que donc celles et ceux qui se montrent sceptiques n’auraient rien compris à l’affaire et feraient preuve d’insensibilité caractérisée.
La vérité est peut-être encore ailleurs, mais c’est aussi à chacun de se faire son idée. Repartons d’abord de celle de départ…
Histoire et dérives de l’agriculture biodynamique
Rudolf Steiner, polygraphe autrichien, est le père de l’agriculture biodynamique. Il posa les fondements de ce système de production agricole en 1924, dans un contexte post phylloxera pour la viticulture et au début de l’agriculture industrielle, ainsi que de la production et l’utilisation de pesticides chimiques.
Ce système fait partie d’une pseudo-science qu’il a élaborée, nommé anthroposophie. Reposant en partie sur ses intuitions et propres déductions et empruntant pour une autre partie à d’autres mouvements philosophiques ou religieux (christianisme, religions indiennes, théosophisme, ou encore les travaux du poète Goethe sur l’observation de la nature), l’anthroposophie de Steiner se décline également sur l’éducation (via la méthode Steiner-Waldorf), la santé avec la médecine anthroposophique et l’agriculture avec la biodynamie.
L’un des principaux reproches adressés à la biodynamie est justement son manque de fondements scientifiques, puisque Rudolf Steiner n’était ni agronome, ni agriculteur. Côté santé, il était anti-vaccin, position maintenue par les anthroposophes durant la pandémie de Covid et valant donc des critiques fortes à cette philosophie, qui est d’ailleurs surveillée par la Miviludes (mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires), qui la caractérise de mouvement philosophico-religieux
, présentant d’après elle un risque de dérive sectaire
.

L’endoctrinement des agriculteurs et la récupération commerciale et marketing du concept sont pointés du doigts, entre autres, par les sceptiques ou détracteurs du mouvement : cette pseudo-science n’aurait pas fait ses preuves et ne saurait donc être utilisée comme argument certain à même de garantir la qualité d’un produit. Voire même participerait au financement d’établissements controversés et tisserait des liens avec des factions peu recommandables, comme des réseaux d’extrême-droite et des positions clivantes.
Un vigneron en Beaujolais s’exprime sur l’agriculture biodynamique
Laissons le mot de la fin au vigneron Frédéric Berne en Beaujolais : Je ne veux pas être dans la croyance de « parce que je fais ça, c’est bien
. C’est une remise en question constante mais ce n’est pas une garantie. Je ne pourrais pas non plus parler en tant que représentant de la biodynamie car je ne suis pas dans l’exclusivité. Je prends ça comme une boîte à outils, parmi d’autres que j’explore, qui me nourrit : c’est une agriculture de sensibilité au vivant, où on peut cultiver ce bien-être que tu peux avoir à prendre soin d’une plante, et la relation que tu as avec. On voit la plante se faire attaquer, on se demande comment la rendre plus résistante. Moi je suis plus sensible par exemple aux micro-organismes et comment nourrir le sol plutôt qu’être en phase avec les cycles lunaires.
La biodynamie permet d’être souple dans sa pratique, car c’est un tout et ce n’est pas une action isolée qui va changer tous tes efforts. »
En bref : goûtez, comparez, testez, écoutez, demandez aux vignerons, conventionnels et bio, et voyez !
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