
Geranium : l'excellence gastronomique à Copenhague

Le restaurant Geranium à Copenhague cultive la perfection gastronomique et continue à faire pousser sa vision saisonnière et scandinave de la cuisine, saluée par le titre de meilleur restaurant du monde 2022 et trois étoiles au Guide Michelin. Utilisation d’ingrédients locaux et de fruits et légumes cultivés en agriculture biologique et biodynamique, sublimation des saveurs danoises, inventivité magistrale : embarquez pour un voyage dans la vision profondément libre et au talent artistique extraordinaire du Chef Rasmus Kofoed, et de son partenaire et chef de cave Søren Ledet, au cœur du Danemark.

En apesanteur
Il est 18h, et dès que l’on arrive au 8ème étage du bâtiment lové sur le flanc nord du stade de foot de la capitale, les portes de l’ascenseur se referment sur le monde réel. Le soleil se couche sur Copenhague et inonde la salle de sa lumière aussi douce qu’irradiante, préfigurant l’intégralité de l’expérience à venir. Le temps s’évapore, les contours du Geranium commencent à prendre forme dans un flou infiniment artistique.

Rasmus Kofoed le dit lui-même, le Geranium est avant tout une expérience artistique, pour laquelle les gens dépensent beaucoup d’argent (510€ le menu). «C’est comme ça, à la fois je suis d’accord avec ça, et à la fois non, car j’aimerais que ce soit accessible pour plus de monde. Mais le prix du menu permet aussi que l’ensemble de l’équipe travaille 3 jours par semaine et conserve un bon équilibre de vie
.
La signature du Chef réside dans cette recherche constante et maîtrise parfaite de l’équilibre, qui puise son intensité dans les extrêmes dont semblent se nourrir le chef. Un feu créatif qui bouillonne et alimente un tempérament aussi méthodique que déterminé, un sens du détail qui le dispute à la vision globale et une simplicité aussi déroutante que la maestria technique et artistique dont ses plats font preuve.
Orchestral
Kofoed et son équipe, pilotée avec Ronni Mortensen (qui fut son commis lors de sa première participation au Bocuse d’Or), sublime les produits locaux et de saison en 15 temps, à chaque saison. Pour le menu de printemps, on retrouve notamment le hareng, les algues, l’aquavit, les œufs d’ablette, la betterave, le céleri, les topinambours, l’huître, la truffe, le turbot, les asperges, les champignons et l’ail sauvage, l’argousier, la rhubarbe, les graines de courge, le chocolat blanc.


Il y a le goût, bien sûr. Cet équilibre parfait dans chaque plat. La présence de chaque ingrédient que l’on savoure seul mais qui sait également jouer une autre partition avec tous les autres, comme cette incroyable pomme de terre dont le goût pur explose sur le dernier des plats, puis qui sublime la sauce composée de fromage danois, le chou, l’oignon, les fleurs, la courgette. Et pour ce plat emblématique, présenté en deux temps (d’abord les légumes provenant de la ferme bio qui fournit le restaurant à l’état brut, puis le plat réalisé), chacun d’entre eux est un véritable tableau. D’un graphisme aussi créatif que raffiné, l’équilibre est également de mise dans la composition des assiettes, pour les formes comme pour les couleurs ainsi que les textures.

De l’extrême simplicité à l’art le plus abouti
La philosophie repose sur une dynamique très simple. Lorsqu’il s’agit du Geranium, le Chef n’a qu’une direction : créer quelque chose qui lui ressemble. Faire disparaître la viande du menu était donc une étape naturelle : "Je ne mange plus de viande depuis longtemps. J’en mettais au menu car j’avais le sentiment que c’est ce que je devais faire, mais ça n’avait plus de sens pour moi. Et si cela en avait de continuer à travailler le poisson et les produits de la mer dont nous sommes entourés au Danemark, j’ai senti qu’il était temps de se consacrer aux légumes et aux produits végétaux issus de la nature sauvage danoise et des fermes biodynamiques que nous avons et qui produisent de superbes produits. Notre alimentation est notre première médecine. Parfois, il ne faut pas rechercher le plaisir, mais d’abord manger ce qui est bon pour nous. Le plaisir n’est pas immédiat les premières fois, mais avec l’habitude, on ne peut plus se passer de toute cette énergie procurée par ces aliments. Hier, j’étais en forêt et j’ai ramassé une brassée de pissenlits, que j’ai mangé ensuite. C’est bon pour l’environnement, pour ma pression sanguine. Je ne les ai pas mangés pour le plaisir immédiat et purement gustatif, mais à la fin, j’en ai eu énormément."

Effervescence, pinot et cueillette
Le Champagne touche les papilles du Chef, comme il a contribué à gagner son cœur. Lorsqu’il a rencontré celle qui est devenue son épouse, il se souvient avoir été épaté par sa connaissance des cuvées de Jacques Sélosse, et pas juste le très classique Dom Perignon, comme tous les Danois. Ils se disent d’ailleurs, à l’inverse de pas mal de monde, qu’ils devraient boire plus de vin, notamment les pinot noirs bourguignons.
Pour le Geranium, c’est Søren Ledet qui règne sur le cellier et ses 5850 belles au bois dormant, entouré d’une équipe de 6 sommeliers. Des grandes étiquettes françaises et internationales, aux producteurs plus petits, en bio et biodynamie (mais sans que ces deux critères soient nécessairement reliés : Søren a toujours trouvé étrange que les grands domaines soient instinctivement liés à la viticulture conventionnelle, certains grands noms de Bourgogne et du Bordelais, entre autres, étant en bio depuis des générations).
Les vins se partagent le plaisir des palais avec des accords mets-jus, créés par Giulia Caffiero. Élevée au cœur de la nature sarde, elle part régulièrement en forêt, chez les producteurs locaux, pour comprendre et goûter, puis créer.
Et c’est alors que le turbot, champignons et l’ail sauvage de forêt se marient aussi bien avec un pinot noir du Sud Tyrol de chez Ignaz Niedrist, qu’avec un jus de cerise fumé à l’épine de sapin.

Quintessence saisonnière et scandinave
S’il ne devait conserver qu’une saveur, Rasmus choisirait le géranium bien sûr, quand on presse les feuilles, mais aussi le genévrier, auquel il se sent plus connecté : c’est vraiment nordique, danois, ancré, complexe, on peut l’utiliser avec un poisson fumé. L’arôme est extraordinaire quand on le fait brûler. La saveur ? Je choisirais l’argousier. Mélangé à la carotte. Parce qu’on a la douceur et l’acidité parfaitement équilibré. L’ingrédient ? La betterave. Pour sa douceur, sa texture, et ses motifs, toutes ses lignes qui apparaissent quand on la tranche, c’est merveilleux. Et l’ingrédient vers lequel je reviens chaque année, c’est la rhubarbe. C’est comme retrouver une vieille amie à chaque printemps, elle est là, moi aussi, j’ai un peu changé par rapport à l’année dernière alors on va dialoguer un peu différemment. Mais c’est pareil avec les asperges…. Et d’autres. Je considère la saisonnalité et le localisme comme un défi, pas comme des contraintes. Et j’ai besoin de ça, si je pouvais faire ce que je voulais quand je le voulais, ce serait trop facile
.
Après avoir ouvert un restaurant pop-up dont les recettes sont exclusivement à base de plantes et végétaux, en dormance pour l’instant, il se peut que le Geranium continue de pousser encore plus vert et devienne un jour végétarien.
Si une visite à Copenhague n’est pas prévue prochainement pour le vérifier, vous pourrez peut-être croiser Rasmus Kofoed au restaurant parisien Epicure
, ou quelque part dans le sud à déguster une bouillabaisse, l’une de ses grandes émotions culinaires françaises.
Sans oublier de suivre les aventures de Ronni Mortensen (chef du Geranium, et coach de l’équipe danoise après avoir été le second de Chef Rasmus lorsque le Danemark a remporté le Bocuse d'argent 2007 puis le Bocuse d'Or 2011) lors du prochain concours du Bocuse d’Or à Lyon, en janvier 2025.

Crédits photos : Pauline Gonnet
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