
Coteaux du Lyonnais : l'appellation tournée vers l'avenir

Parfois, le vin, c’est comme la bourse : il faut garder un œil sur les signes qui indiquent sur quelles appellations capitaliser.
S’il y en a une qui flotte sur l’air du temps comme sur un délicieux alizé, c’est bien l’appellation Coteaux du Lyonnais. Nul n’étant prophète en son pays, l’international est déjà grand consommateur de cette appellation pourtant méconnue en France.
Gamay gourmand, réjouissant et juteux ou à la forte personnalité tanique et épicée, chardonnay rond, tendu et aromatique ou ultra souple et fruité pour l’apéro, aligoté que l’on redécouvre et savoure : découvrez et laissez-vous emporter par la nouvelle version des Coteaux du Lyonnais, absolument canon.

L'histoire des Coteaux du Lyonnais par monts et par vaux
Plantées sur les flancs des monts du Lyonnais, encerclées par les reliefs Beaujolais au nord, et le Pilat qui encadre les appellations de la rive droite de la Vallée du Rhône, l’appellation a une histoire longue comme un jour sans pain, remontant à nos ancêtres les Gaulois et leurs amis de toujours, les Romains, en passant par les moines.
Sur ces terres balayées par les influences océaniques, continentales et méditerranéennes, le tournant fut un alignement négatif des planètes au cours du XIXème siècle, qui, comme pour beaucoup d’autres, firent basculer les Coteaux du côté obscur.
La révolte des Voraces, d’abord, ces ouvriers lyonnais qui se révoltèrent en 1848 contre la diminution du volume des fameux pots lyonnais
(mais au prix identique, évidemment) qui fit s’effondrer le volume vendu, puis le funeste phylloxera, qui eut le mérite quand même de creuser le premier sillon des nouveaux cépages, où gamay, chardonnay et aligoté allaient prendre la place d’hybrides aujourd’hui oubliés, tels que le bacco ou le mille.
Après la crise, pas encore le plein soleil : les producteurs étaient quasiment tous coopérateurs, abreuvant d’ailleurs une coopérative produisant également des cuvés beaujolaises. Dans nos esprits contemporains, la carte d’identité commence alors à se brouiller : les Coteaux du lyonnais, c’est vers Lyon donc c’est rhodanien ? Mais alors pourquoi des cépages du beaujolais et de la bourgogne ?

Profil d’une appellation multiple à la qualité unique
Pour mieux appréhender l’identité de cette appellation toute jeune de 41 printemps, rendez-vous à l’Annexe Winery, à Saint-Bel, commune aux portes du sud Beaujolais. Comme une incarnation silencieuse de la solidarité qui règne au cœur de l’appellation des Coteaux, le vigneron reconverti et très doué Emmanuel Rostaing-Tayard a ouvert cette cave avec l’ambition de mettre en avant et commercialiser ses cuvées (faute de place au domaine) et celles des copains, y compris du voisin Beaujolais.
Véritable caverne de pépites, c’est l’endroit idéal pour non seulement déguster bon et repartir les bras chargés de savoureuses promesses, mais également pour bien saisir la structure de l’appellation et ce qui en fait sa signature : la diversité géologique. Répartie en 4 ilots distincts, allant des roches volcaniques au nord aux alluvions de l’ilot le plus sudiste et proche du Rhône, en passant par les gneiss (roche ayant la même composition que le granit mais pas la même structure) de la bande centrale de l’appellation.
Comme pour d’autres, la réalisation d’une carte géologique contribue à changer la donne. Votée en 1997, elle permet de retrouver la légitimité et prendre conscience du terroir sur lequel sont assises les vignes et de leur potentiel, leur identité.
Au nord, sur les roches volcaniques, le gamay se fait droit, minéral, tendu, épicé, à la personnalité forte mais contenue, tandis qu’au sud, ils se livrent avec plus de suavité, aux fruits croquants, charnus et juteux, pour être plus amples, expressifs du côté des Monts d’Or à l’est.
Côteaux du Lyonnais : une fontaine de jouvence
Qu’ils soient bus dans leur jeunesse ou plus tard, les cuvées de Coteaux révèlent donc un potentiel en blanc, rouge (majoritaire à 80%) et rosé, à découvrir absolument.
Si tous les âges prédominent parmi les 20 vignerons indépendants, un vent de fraîcheur souffle aussi fort que possible pour dissiper les nuages qui parfois s’invitent dans les cieux de l’appellation.

Pression foncière due à la métropole lyonnaise, prix des bâtiments hors de prix, arrachages de vignes encouragés par l’Etat pour faire face à la surproduction : les vignerons résistent.
Comme le souligne pourtant Lucie Prapin (trentenaire qui a redonné un coup de fouet magistral au domaine familial du même nom), on pourrait installer beaucoup de jeunes. Ici tu peux t’installer pour 20 000€ sur 2, 3 hectares. Mais on manque de bâtiments, ce qui enraye le processus
. Propos relayés par tous, qui œuvrent pour contrecarrer cet effet, en témoigne la naissance d’un cuvage collectif au printemps 2025, qui accueillera notamment l’actuel président de l’appellation Yann Fangeat pour les vendanges de l’année.
Un avenir radieux pour les Coteaux du Lyonnais
Faire de sa situation de carrefour une force, voilà un pari que Régis Descotes a relevé haut-la-main avec ses collègues. Ancien président de l’appellation et grand vinificateur (doublé du titre non officiel d’historien de l’appellation), il a vite compris lors des débuts de l’appellation dans les années 80 que : un carrefour, tout le monde y passe, mais personne ne s’arrête
. Allant jusqu’au bout dans l’analogie, ils se sont inspirés de l’ancien slogan de l’enseigne de grande distribution pour se lancer comme des fusées : avec Carrefour, je positive
. Et c’est une réussite : appellation confidentielle, solidaire, à taille humaine, gorgée de pépites à des prix encore largement abordables : en bref, foncez.

Notre sélection de cuvées Toutlevin
Nous n’avons pas goûté tous les producteurs, aussi cette liste n’est absolument pas exhaustive des cuvées de l’appellation. Les prix sont indiqués départ cave.
Yann Fangeat Domaine d’Yf
Chapitre 6
2023 : une belle version du chardonnay sur granit : rond, charmant, fruits jaunes, floral, subtil et gourmand : c’est le 6ème millésime de Yann, actuel président de l’appellation, à suivre.
Domaine de Prapin
Entre ciel et terre
2021 Gamay (12€) : nez fumé, épicé (signature olfactive du domaine et au gneiss typique de l’appellation), mais aussi juteux, fruité, vif, sur une jolie finale éclatante, petite bombe.Amphore
2023 (24€) : le diable en bouteille : ultra juteux, salivant, sur les mêmes qualités que le précédent mais avec un côté fruits noirs plus prononcé, puissant et souple à la fois.
Domaine Rostaing-Tayard
Ultreïa
2023 : signifiant plus loin et au-delà
: sélection parcellaire d’altitude pour un gamay frais, aux fruits rouges (groseille & framboise) enjôleurs, à la fois droit et charmant, compact, précis et souple.Le chant du loup
2023 (19€) : du nom du film éponyme comme toutes les cuvées ou presque du domaine, un chardonnay qui mélange la fraîcheur éclatante de son terroir et la gourmandise, doublée d’une finale salivante citronnée qui éclaire la trame minérale de cette très jolie cuvée.

Domaine Régis Descotes
Les grands coins
2022 (13,20€) : très bel équilibre pour cette cuvée accessible de chardonnay, complexité aromatique et belle structure.

Les Chapèzes
2022 (14€) : le chardonay en version plus opulente, beurré aux fruits jaunes mûrs, équilibré et structuré.L’Archevêque
2020 (21,50€) : graphite, cassis, pruneau, structure, densité, matière : le gamay dans ses grands habits. A garder.
Crédits Photos : Loïs Nagir
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