
Vin bio : les limites derrière l'étiquette verte

En France, le marché des vins biologiques a connu une croissance fulgurante, multipliée par 4 en moins de 15 ans. L’Agriculture Biologique, qui repose essentiellement sur l’interdiction des produits issus de la chimie de synthèse, a séduit les consommateurs de vins tout en contribuant aux progrès de la viticulture. Mais le vin bio représente-t-il réellement un eldorado ? Quelles en sont les limites ?
Des limites infligées par le réchauffement climatique
Les situations de stress hydrique, dues aux températures élevées et au manque d’eau, sont de plus en plus fréquentes dans les vignobles méridionaux, comme dans l’Aude, les Pyrénées-Orientales, l’Hérault. Face à cette contrainte de taille, la maîtrise de l’enherbement est primordiale.
Si l’herbe s’avère être un bon partenaire de la culture de la vigne, favorisant la biodiversité et la qualité des sols, elle n’est pas le compagnon idéal dans le contexte de réchauffement climatique. Elle devient alors un redoutable compétiteur en ce qui concerne l’approvisionnement en eau de la plante, et notamment pour les jeunes plants.
En viticulture biologique, son contrôle est plus compliqué parce que l’utilisation d’herbicides est strictement interdite. Les vigneronnes et vignerons bios ont recours au travail du sol, une pratique certes plus écologique, mais qui exige de la rigueur et du temps afin de ne pas se laisser dépasser par l’enherbement.
Des limites imposées par les itinéraires techniques
En cas de printemps et d’été pluvieux, comme l’illustre avec effroi le millésime 2024 dans la grande majorité des vignobles français, la lutte contre les maladies de la vigne s’avère difficile avec l’emploi des produits phytosanitaires autorisés en bio, pouvant engendrer des pertes de récolte supérieures à 50%.
Les spécialités à base de cuivre, administrées contre le redoutable mildiou, sont uniquement préventives et lessivées par la pluie. L’organisation du travail devient alors un casse-tête quand il s’agit de traiter chaque parcelle après chaque averse. D’autant que ce métal lourd, non biodégradable et toxique pour les micro-organismes du sol ainsi que pour les organismes aquatiques, est dans le viseur des autorités, qui en ont déjà limité les doses autorisées.
Sans compter que la multiplication des traitements, nécessitant des passages plus fréquents des tracteurs, pèse lourd sur le bilan carbone.
A ce jour, les produits de biocontrôle, à base d’extraits de plantes, d’algues, de champignons, de phosphonates..., ne sont pas assez efficaces, et notamment en cas de forte pression maladie.
De nouveaux cépages résistants au mildiou et à l’oïdium ont été inscrits au Catalogue officiel. Leur surface cultivée gagne du terrain, mais ces variétés manquent encore de notoriété auprès des amateurs et doivent être intégrées aux cahiers des charges des appellations.
Des limites fixées par le contexte économique
La production de vins bios, plus exigeante en main d’œuvre et entraînant des rendements plus faibles, engendre un surcoût estimé de 20 à 30% selon les contraintes imposées par les vignobles et les millésimes.
Ces coûts d’exploitation plus élevés se répercutent, fort heureusement pour les producteurs, sur les prix de vente des bouteilles.
Dans un contexte économique délicat pour le bio alimentaire, la filière vin a maintenu sa croissance en France avec un chiffre d’affaires en hausse de 6,3% en 2022. La grande distribution et les magasins spécialisés bio sont en perte de vitesse alors que les vins bios ont le vent en poupe chez les cavistes, au restaurant et en ventes directes (source Etude Millésime Bio 2024).
Recul du pouvoir d’achat oblige, les français placent le prix comme premier critère d’achat. Le budget d’une bouteille de vin à moins de 10€ progresse de 4 points comparé à 2023
, selon le baromètre Sowine 2024.
Les préoccupations environnementales et sanitaires continueront-elles à primer sur les portefeuilles des français ? Qu’en sera-t-il face aux politiques budgétaires annoncées pour 2025 ?
A l’instar du métier d’agriculteur, le vin bio n’est pas un eldorado. L’agriculture raisonnée (labels Terra Vitis, HVE, Agri Confiance), proposant une approche globale et pragmatique, prenant en compte la durabilité économique des exploitations, pourrait être la solution...
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