Une jeune entreprise met les vigneronnes en lumière

En 2021, à la fin de leurs études dans le vin, Honorine Auvray et Moissei Youssoupov ont lancé la marque Ekhi et le site marchand ekhi.fr, avec l’ambition de rendre plus visibles les productrices et leurs cuvées. Découverte avec sa co-fondatrice.

Laura Bernaulte : Honorine, peux-tu nous raconter comment a débuté l’aventure Ekhi ?

Honorine Auvray : Le projet a débuté lorsque nous achevions nos études. En 5^ème et dernière année en communication à l’EFAP Bordeaux, j’ai fait le choix de me spécialiser dans les vins et spiritueux. Avec mon associé Moissei, qui a suivi un cursus à l’Institut Supérieur du Vin de Montpellier, nous nous sommes rendu compte que les cuvées produites par des femmes étaient très présentes dans le secteur du vin. Pourtant, il était moins facile d'accéder à leurs cuvées, car elles étaient moins mises en avant, que ce soit dans les rayons des supermarchés ou sur les cartes de vins au restaurant. Pour en savoir plus, il fallait vraiment faire la démarche volontaire de rechercher et d'aller découvrir le travail de ces vigneronnes.

Partant de ce constat, nous avons décidé de créer Ekhi - mot signifiant la fille de la terre dans la mythologie basque -, pour mettre en lumière ces femmes qui mettent la main à la terre pour produire le raisin, puis le vin. Après avoir remporté en mars 2021 le concours Tomorrow Wine, créé par Vinventions en partenariat avec la Revue du Vin de France, nous nous sommes lancés dans l'entrepreneuriat en novembre 2021 pour faire découvrir des vins exclusivement produits par des vigneronnes. Aujourd’hui, Ekhi combine 2 volets : la promotion et la vente de ces vins auprès du grand public à travers notre site e-commerce, vitrine de notre projet, et la vente auprès des professionnels européens, importateurs, restaurants, épiceries fines ou bio, concepts-store.

LB : Quelle offre en vins peut-on retrouver le site ekhi.fr ?

HA : Actuellement, nous proposons une offre représentative de l’ensemble des grandes régions viticoles françaises, avec une trentaine de cuvées à la vente, créées par une dizaine de vigneronnes différentes. L'idée de notre projet, c’est vraiment de proposer aux gens de rencontrer les productrices à travers une expérience qui change de l’ordinaire. Cela passe par la sélection de vins, mais aussi par le packaging. Chaque étiquette est personnalisée, représentant un portrait de la vigneronne réalisé sur-mesure par une artiste dont l'univers nous rappelle la productrice. En complément, au dos de la bouteille, figure aussi l'innovation qui nous a permis de remporter en 2021 le concours Tomorrow Wine : une pastille audio à scanner pour découvrir en quelques minutes le vin, l'histoire du domaine et des accords mets et vins, contés par la voix de la vigneronne.

LB : Comment avez-vous procédé pour constituer votre sélection de vigneronnes ?

HA : Au début, nous avons repéré des vigneronnes grâce aux dégustations effectuées en cours ou à titre personnel, dans des livres, des revues, sur Internet, puis nous nous sommes déplacés pour aller les rencontrer. Petit à petit, ce fonctionnement a évolué. Nous avons gardé cette base, mais aujourd’hui certaines vigneronnes nous contactent aussi directement, car elles sont intéressées par le projet et souhaiteraient en faire partie. C'est également parfois déjà arrivé que, lors d’un de nos déplacements pour aller rencontrer une vigneronne, elle prévienne ses copines alentour, qui nous invitent à leur tour sur leurs domaines pour nous faire découvrir leurs vins. Nous participons aussi à différents salons, qui sont une mine de découvertes. Lorsqu’une nouvelle collaboration est enclenchée, nous nous déplaçons toujours au moins 2 fois dans l’année, la première pour découvrir le domaine, la façon de travailler de la vigneronne et déguster ses vins, et la seconde pour enregistrer le podcast. Nous essayons aussi de rendre au moins une fois par an visite à chacune de nos partenaires de longue date.

LB : Outre le prisme féminin et la représentativité régionale, quels autres critères sont importants à vos yeux pour référencer un vin sur le site ?

HA : Avant tout, c’est essentiel pour nous de travailler avec des vigneronnes qui ont la volonté de bien faire les choses, afin de proposer des vins de qualité. Nous veillons aussi à sélectionner des vins qui sortent des sentiers battus, par exemple avec des appellations, cépages, assemblages ou vinifications particuliers, car en tant que consommateurs, nous étions nous-mêmes lassés de trouver des vins assez stéréotypés. Nous avons par exemple lancé Ekhi avec une cuvée de muscat sec d'Alsace créée par Laure Adam, distribuée en Alsace mais très peu présente dans les autres régions françaises.

L’approche environnementale nous tient aussi beaucoup à cœur, la grande majorité des vins que nous vendons étant labellisés en agriculture biologique, biodynamique ou en conversion. De façon générale, les vigneronnes que nous rencontrons sont souvent très concernées par l’aspect environnemental, peut-être aussi car nombre d’entre elles sont mères, et qu’elles ont envie de transmettre à leurs enfants un beau domaine avec de la biodiversité.

LB : En termes de profil gustatif, privilégiez-vous un style de vin en particulier ?

HA : Notre offre est variée, mais nous aimons bien les vins qui ont vraiment du caractère, assez francs et expressifs, avec des palettes aromatiques marquées, ce qui nous permet également de nous amuser en matière d’accords mets et vins. La remarque que nos vins ont beaucoup de goût revient d’ailleurs assez souvent quand nous sommes sur les salons, et nous amuse autant qu’elle nous fait plaisir !

LB : Côté prix, à quels tarifs proposez-vous ces vins de vigneronnes ?

HA : Pour le moment, notre gamme s’échelonne entre 10 et 42 € pour notre bouteille la plus haut-de-gamme, un champagne, et le prix moyen d’une cuvée sur le site tourne autour de 13-14 €. Nous essayons toujours d'avoir de bons rapports prix-plaisir, car cette accessibilité est importante pour nous. C’est certainement notre côté "anciens étudiants" avec un budget limité qui parle !

LB : Parmi les vigneronnes avec qui vous collaborez, pourriez-vous citer 3 coups de cœur ?

HA : Toutes nos vigneronnes sont des coups de cœur, mais j’aimerais en citer 3 qui plaisent beaucoup à nos clients.
La première est le muscat sec d'Alsace créé par Laure Adam (millésime 2023, 15,40 €), l’une de nos références historiques. Avec une très belle palette aromatique autour du litchi, des pétales de rose, et un bel équilibre entre rondeur, fruit et fraîcheur, ce blanc sec est une excellente alternative aux vins sucrés, par exemple en association avec un foie gras pour les fêtes de fin d'année.
Même si l’été est fini, ce n'est pas pour autant qu’il ne faut plus boire de rosé, donc comme 2^ème cuvée, je voudrais citer le 100 % grenache d’Anne-Laure Borras dans le Languedoc (millésime 2023, 11,30 €), qui a d'ailleurs été élue vigneronne de l'année dans le Guide Hachette des vins 2024. Très agréable en bouche, ce vin a du caractère, mais aussi de la fraîcheur, avec un côté légèrement salin, le domaine étant situé à quelques mètres de la mer Méditerranée.

Enfin, je voudrais mettre à l’honneur les vins rouges d’Audrey Carraretto, vigneronne de Saint-Émilion avec qui nous sommes très fiers de collaborer. Sur le plateau calcaire, l’un des plus beaux terroirs de Saint-Émilion, elle exploite ses quelques hectares en agriculture biologique, et essaie de se diriger peu à peu vers la biodynamie. Ses cuvées sont somptueuses, à des prix qui restent relativement raisonnables pour ce vignoble (19 à 25 €), pour se faire plaisir sur de grands rouges.

LB : Au-delà de sa partie vente, votre site internet fait aussi vivre Ekhi à travers tout un univers dédié. Peux-tu nous en dire plus ?

HA : Sur notre site, vous retrouverez aussi toutes les actualités concernant notre marque, avec notamment les interviews que nous avons pu faire. Comme nous appréhendons le vin avant tout comme quelque chose qui se partage, pour rester accessibles et permettre au plus grand nombre de le découvrir, nous avons imaginé plusieurs portes d’entrée dans cet univers. Pour certains, ce sera plutôt la découverte de domaines et de la vigneronne qui se cache derrière la bouteille, pour d'autres les cépages, le prisme des cocktails ou encore les accords mets et vins.

LB : Quel a été l’accueil qui vous a été réservé au départ et aujourd’hui ?

HA : Dès le début, nous avons eu un très bon accueil de la part des vigneronnes. Elles ont facilement ouvert leurs portes et étaient intéressées par notre projet, qui faisait sens pour elles. De même, pour la partie vente sur internet, nous avons été très bien accueillis par les clients, et avons toujours aujourd’hui de très bons retours sur notre sélection, ce qui est très important pour nous. Au départ, c’est parfois sur les salons que les réactions étaient un peu plus mitigées. Le fait de mettre en avant uniquement des vigneronnes pouvait être clivant pour certains, alors que d'autres étaient freinés par le fait d'avoir des étiquettes plus design. Depuis 2022, nous avons vraiment assisté à une évolution des mentalités sur les salons, avec des gens plus réceptifs à l’aspect engagé et au côté original.

LB : Quel est le profil de la clientèle qui achète vos vins de vigneronnes engagées ?

HA : Initialement, on pensait que le projet allait parler plutôt aux femmes, mais finalement, on se rend compte que tous les publics sont assez curieux. Au départ, nos cuvées étaient ciblées sur l'accessibilité en termes de tarifs, donc elles parlaient beaucoup aux jeunes, mais aujourd’hui, avec le développement de vignobles comme Saint-Emilion ou la Champagne, on touche un peu tous les âges et tous les budgets. Nous ne nous sommes pas vraiment fixé de cible, on essaie avant tout de partager ce que l'on aime auprès de tous les publics.

LB : Aujourd'hui, quels sont vos prochains objectifs ?

HA : Nous sommes ravis de travailler avec nos 9 partenaires, mais il y en a beaucoup plus que 9 avec qui nous aimerions collaborer ! Peu à peu, nous allons continuer à développer de nouveaux partenariats, avec déjà pas mal de pistes pour le futur, ce qui promet de belles choses à venir. Parmi nos prochains projets, nous aimerions aussi créer des cuvées éphémères en petites quantités avec nos partenaires actuelles, pour montrer une facette différente de leur travail.

LB : Plus généralement, si vous aviez un souhait pour la place des femmes dans le monde du vin, quel serait-il ?

HA : Même si je souhaite à notre marque de vivre encore longtemps, l'idéal serait qu'il n'y ait plus besoin d'avoir une marque comme Ekhi. A terme, ça devrait juste couler de source que les femmes travaillent aussi bien que les hommes et qu’elles doivent être mises en avant de la même façon. Je suis assez contente de voir qu'il y a déjà eu une évolution. Il suffit par exemple de regarder les catalogues de foires aux vins pour le constater, avec de nombreuses enseignes qui prennent le pari de mettre en avant des vigneronnes à travers de gros encarts qui les présentent. Je trouve ça super !

Jusqu’au 31 décembre minuit, spécialement à l’attention des lecteurs de toutlevin.com, Ekhi propose, pour toute commande sur ekhi.fr, une remise de 10 % en renseignant le code promotionnel TOUTLEVIN10 au moment du paiement.

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