Quand les rouges se mettent au frais

Quand les rouges se mettent au frais

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Vin rouge et rafraîchi. Voilà 2 termes qui vous semblent antinomiques… Et pourtant, en cette période estivale et plus largement à l’heure du réchauffement climatique, les rouges à savourer après passage au réfrigérateur ont le vent en poupe.

Explications avec Dimitri Basevi, œnologue-conseil au laboratoire bordelais Enosens.

Dimitri Basevi - Crédit photo : Enosens
Dimitri Basevi - Crédit photo : Enosens

LB : Boire des vins rouges frais : sacrilège ou idée de génie ?

DB : Je trouve que c’est plutôt une preuve d’intelligence qui permet de s’adapter au marché actuel, et surtout au climat et aux nouvelles tendances de consommation. Les différents chiffres de vente et les échanges avec les viticulteurs dans le cadre de notre métier démontrent qu’il existe aujourd’hui une certaine saisonnalité dans la consommation, orientée d’avantage vers les blancs et les rosés l’été, et plutôt vers des vins un peu plus structurés, comme des rouges, l’hiver. L’idée de boire des vins rouges frais prend en compte ce constat, pour permettre à la couleur rouge d’être également dégustée par des températures estivales. Cette pratique est d’ailleurs déjà habituelle dans des pays chauds comme l’Espagne ou l’Italie, qui ont notamment créé des cocktails à base de vins rouges qui passent au frigo. Sur Bordeaux et en France plus largement, on souhaite rebondir sur ce mouvement en créant de nouvelles gammes de produits ou en adaptant nos méthodes de production, pour que certains vins rouges puissent passer au frigo et se consommer plus frais.

LB : Mais tous les vins rouges ne sont pas appropriés au rafraîchissement. Quel est alors le profil idéal du vin rouge à placer au frais ?

DB : Si tous les rouges ne peuvent pas se boire rafraîchis, ils gagnent en revanche tous à être consommés plus frais. La température idéale de service se situera entre 13 et 16 °C plutôt qu’entre 20 et 22 °C, fourchette où la sensation alcooleuse sera désagréable et apportera un phénomène de lourdeur. Ensuite, si on veut consommer un vin rouge frais, à la façon d’un blanc ou d’un rosé, il faudra se tourner vers des vins légers, gourmands, fruités, à déboucher entre un et cinq ans, plutôt que vers des vins concentrés et structurés, le froid durcissant les tanins.

LB : Faut-il cibler des régions pour dénicher des rouges frais ?

DB : Historiquement, les régions du Sud où il fait chaud ont naturellement ressenti le besoin de créer des vins avec ce type de profil, comme par exemple le Languedoc qui a remis la macération carbonique au goût du jour sur les grenaches. Ça a d'ailleurs très bien fonctionné et contribué à ce que ces vins regagnent en notoriété et en image en se rapprochant des demandes du consommateur. D'autres régions l'ont également fait par habitude et par climat, comme notamment le Beaujolais où le climat est plutôt frais, avec un cépage adapté qui donne par nature des vins assez légers, parfaits à mettre au frigo l’été et à apprécier rafraîchis. Nombre d’autres vignobles français se sont aussi mis à produire ce type de rouges à placer au frais, à l’image par exemple de Bordeaux, où coexistent aujourd’hui des grands crus et vins très haut de gamme à l’assise tannique garante de longue garde, à consommer à température classique, et des vins frais, fruités, moins boisés, parfaitement adaptés à un passage au frigo.

LB : Y a t-il des règles à respecter dans cet art du rafraîchissement?

DB : L'idée est de consommer le vin juste rafraîchi, et non pas glacé, car une consommation trop froide annihilera son aromatique et le rendra bien moins expressif. Il conviendra donc de sortir la bouteille du froid une petite heure à l'avance, pour que le vin commence à se réchauffer tranquillement et exprime ensuite la totalité de sa palette aromatique. L'idéal est de l’apprécier entre 8 et 12 °C.

LB : A quelles occasions de consommation renouvelées ces rouges rafraîchis ouvrent-ils la voie ?

DB : Que ce soit en été ou plus généralement, les habitudes de consommation et de vie changent. Là où les anciennes générations plébiscitaient le repas dominical à rallonge avec de bonnes bouteilles de rouge traditionnel et charpenté, aujourd'hui on va peut-être plutôt se retrouver en famille ou entre amis autour d'une barrique ou sur une terrasse en ville, en bord de mer ou à la campagne, avec une bourriche d'huîtres, quelques tapas en mode apéritif dînatoire ou un barbecue. Un rouge rafraîchi sera parfait avec ces mets, tout comme avec d’autres types de cuisines que l’on apprécie tout particulièrement l’été, comme les spécialités méditerranéennes, les poissons grillés dont les petites notes fumées s'accorderont bien avec les accents de groseille et mentholés de ces rouges frais, les fromages, dont le gras sera contrebalancé par l'acidité et la fraîcheur de ces vins, voire des desserts au chocolat comme une mousse un peu aérienne. En résumé, ces rouges frais sont parfaits pour un repas estival de l'apéritif au dessert !

LB : Finalement, ces vins rouges rafraîchis sont l’un des leviers pour désacraliser l’approche du vin…

DB : Absolument. On a toujours l'impression qu'il faut être un connaisseur pour pouvoir apprécier et déguster du vin, mais c’est avant tout un produit d’hédonisme. Ces rouges frais, tout comme les cocktails à base de vin, sont un moyen plus fun de consommer du vin, pour le rendre plus accessible à une large palette de consommateurs. Cette accessibilité accrue passe aussi par les contenants, par exemple avec le format de la canette largement employé dans le secteur agro-alimentaire, qui fonctionnera également bien pour des vins à boire jeunes, légers, voire pétillants, quelle que soit leur couleur. Facile à mettre au frigo avec sa contenance d’un verre de vin ou deux maximum, la canette correspond mieux à nos modes de consommation actuels que la bouteille de 75 cL. Elle possède aussi l’avantage d’offrir un espace d'expression plus important, pour laisser libre cours à l'imagination, par exemple pour évoquer en images les arômes du vin et guider le consommateur. Il suffit juste d'ouvrir nos chakras !

LB : En tant qu’œnologue-conseil, au-delà de ces vins rouges rafraîchis, quelles nouvelles tendances as-tu pu repérer ?

DB : J'ai l'impression qu'il y a des dizaines de tendances actuellement ! Le contexte post-Covid et les problèmes de commercialisation du vin à Bordeaux et ailleurs ont agi comme un coup de fouet pour faire bouger la profession et les vignerons, qui essaient de mettre en avant des produits différents, pour mieux répondre aux attentes des consommateurs. On observe par exemple l'avènement des vins sans alcool ou à faible degré d’alcool, avec un schéma un peu calqué sur le modèle de la bière où ce créneau représente 20 % de la consommation totale. Si la même chose se produit en matière de vin, les volumes pourraient être considérables. Notamment pour des raisons politiques, les pays du Nord sont déjà assez friands de ce genre de produits. Une autre tendance qui se dessine est celle des vins aptes à être aromatisés, ou des boissons à base de vin, comme par exemple les cocktails. Pour moi, il y a là un créneau vraiment intéressant. Se servir du vin comme une base de cocktail, à l’image de tout autre alcool, peut-être un bon compromis entre le cocktail sans alcool et celui avec des alcool forts, avec un intermédiaire plus dilué, frais et léger, quasiment avec le taux d’alcool de la bière. Le plus amené par le vin est sa complexité. Par exemple, un vin blanc de Bordeaux sur les agrumes et les fruits exotiques peut donner un excellent résultat dans un cocktail type Piña Colada.

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