Michel Maestrojuan : cultiver la joie dans la vigne

Michel Maestrojuan : cultiver la joie dans la vigne

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Au milieu du Gers et de ses terres à Armagnac, le domaine Entras, repris par le fils, déploie des moyens sains pour arriver à ses fins : rendre le travail joyeux dans une vigne bien tenue et faire connaître le terroir avec des vins secs de qualité.

On le sent dès l’arrivée sur le vignoble, qu’ici l’ambiance est à l’hospitalité. A peine entrée en plein milieu du déjeuner en équipe, une chaise et une assiette creuse pleine d'une garbure inoubliable m’attendent déjà pour me joindre à ce moment de partage.
Le patron fils, Michel Maestrojuan, est souriant et il me sert d’emblée son rosé en ajoutant : Goûte-le avec les concombres à la crème, ça marche super bien.

La table est installée dans une cuisine qui a vu passer beaucoup de monde : C’est ici que ma grand-mère faisait à manger sur le principe de la table ouverte comme on sait le faire dans le Gers. Pour arriver jusqu’ici les routes sont chaotiques mais les gens repartent contents et reviennent.

Pourtant, pour arriver à cette plénitude visible, le parcours n’a pas été de tout repos. Car reprendre le domaine familial implique de se confronter aux divergences d’opinion de la génération précédente, qui doit elle même, se sentir prête à laisser les rênes.

Après avoir fait des études d’ingénieur agronome et d’œnologue, Michel est parti travailler à Toulouse, à Montpellier, en Bourgogne, dans le Rhône et en Loire. Avec un premier métier de chercheur à l’IFVV (Institut Français de la Vigne et du Vin), il prend du temps à côté pour goûter, visiter des domaines puis part en voyage : Je suis allé en Chine, aux Usa, au Mexique, en Argentine, au Chili pour errer sur les routes du vin. A la fin du périple j’avais vraiment envie de rentrer et de faire le trajet du fils de vigneron, appelé par son endroit natal pour faire du vin qui touche les gens.

Seulement le retour ne s’avère pas aussi simple que prévu : Mes parents me font un accueil mitigé, que je reprenne, c’est ce qu’ils veulent mais j’arrive peut être un peu tôt pour eux. Mon père et mon oncle ont envie de continuer et moi je pousse pour faire ma place mais c’est une impasse. Je me mets à leur service mais je n’ai pas de reconnaissance. J’entre dans une période de dépression, je finis par être épuisé et je m’en vais. Je monte une boîte de conseil et je ne reviens pas dans la vigne de 2013 à 2015.

Pourtant la suite de l’histoire offre 30 superbes hectares à des vins devenus à son image : fins, joyeux et sains mais il faudra du temps pour que père et fils se comprennent. En 2015, l’oncle décède et les parents de Michel se rendent bien à l’évidence : ils ont besoin de son aide et de son talent. Mais il faudra encore plusieurs allers et retours pour que les choses s’installent enfin : A force de mes rencontres, j’étais totalement convaincu par le bio et j’ai pointé à mon père que je ne pourrais pas faire autrement. Pendant 1 an ou 2 ça a été la lutte. Aujourd’hui, il est très fier que je sois passé en bio. Il est heureux que les vins soient comme ça. La reconnaissance est vraiment venue progressivement.

A près avoir dégusté à table sa cuvée de blanc Lo Ceu 2019, un assemblage de Petit Manseng, Ugni Blanc et Colombard qui laisse de la longueur minérale et une belle acidité en bouche, la visite se poursuit par le chai à l’odeur agréable et l’atmosphère sereine. La fraîcheur et le silence pousse à la confidence : J’ai vraiment envie que ma joie transparaisse dans mes vins. Je suis persuadé que si tu as un vignoble en pleine santé une richesse dans le pourtour de tes vignes, une belle animation humain, ça crée la joie dans le vivant. Ça ne m’empêche pas d’avoir des coups de gueule mais je fais au mieux.

D’ailleurs, les vignes en question sont en pleine maturation avec les restes visibles des couverts végétaux semés entre les rangs puis roulés pour protéger la terre et nourrir le sol.
Béret vissé sur la tête, Michel me pointe aussi les fruitiers plantés depuis peu, les 55 hectares de céréales qu’il revend mais qui lui permettent, à force d’observation, de faire des analogies et de comprendre plein de choses de ces différentes cultures

Certifié Demeter depuis 2023, le domaine est donc en marche vers une recherche constante de mieux être qui se lit jusque dans le chai des eaux de vie : un sol en terre battue, de belles poutres et des combles d’époque qui abritent des barriques de Floc et d’Armagnac de 400 litres faites en chêne du sud ouest. Car s’il veut moderniser les vinifications des secs, Michel fait toujours perdurer la tradition gersoise en maîtrisant aussi l’art de la distillation des spiritueux.

Il espère aussi pouvoir construire un chai destiné à faire des longs élevages pour ses vins : Ce serait un endroit pour affiner la matière, l’étirer, connecter l’attaque du vin et la finale pour qu’il y aie moins ce vide en bouche , présent parfois en milieu de dégustation.

Cette envie de plénitude sera donc le fil rouge de son travail dans les prochaines années à venir : Je veux continuer à vivre de mieux en mieux avec mon milieu, me laisser imprégner sans tomber dans les travers, être dans un tout, y gagner quelque chose dans ma manière de diriger mon équipe.

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Crédit photos : Maylis Détrie

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