
Le Nez du Vin : une bibliothèque olfactive qui évolue

Le célèbre livre-objet Le Nez du Vin, des Éditions Jean Lenoir, est un ouvrage de référence pour les amateurs de vin et les professionnels. Viva Lenoir, la fille de son créateur, veille sur cette œuvre pédagogique en développant de nouveaux arômes et des supports dédiés à l’exploration olfactive. Rencontre.
Grâce à la bibliothèque olfactive des Éditions Jean Lenoir, les amateurs de vins et de spiritueux ont accès à une sélection de livres-objets qui se composent de flacons, d’images et de guides détaillés pour exercer leur odorat. Cet éveil des sens, à l’approche ludique, résulte d’un travail initié par Jean Lenoir en 1977, alors directeur adjoint de la Maison de la Culture de Chalon-sur-Saône. Soucieux de réserver une place au goût et à l’odorat sur la scène culturelle, il lance le Nez du Vin, en coffret de 54 arômes, en 1981. Depuis, de nombreux livres-objets sont venus étoffer la collection dirigée par Viva Lenoir, qui perpétue l’héritage de son père.

Romy Ducoulombier : Viva, pouvez-vous nous raconter la formidable épopée créatrice de ces livres-objets ?
Viva Lenoir : Mon père, qui ne venait ni du monde du vin, ni de celui de la parfumerie, a voulu - lorsqu’il travaillait à Chalon-sur-Saône - associer le goût à l’univers culturel. Formé à Beaune par Max Léglise, le père de l’analyse sensorielle, et titulaire d’un diplôme de technicien en œnologie, il a fait la rencontre d’Olivier Baussan, le fondateur de l’Occitane en Provence, et s’est constitué un coffret de 120 flacons d’arômes. De conférences en conférences, mon père, qui était un très grand orateur, s’est mis à sensibiliser les gens à la mémorisation olfactive grâce à des images illustrées par ma mère, artiste. C’est ainsi que le Nez du Vin, le grand modèle en version 54 arômes, a vu le jour en 1981. Il s’agit du livre-objet de référence qui permet de s’améliorer dans le travail de dégustation et sur lequel de nombreux professionnels des métiers de bouche, de la sommellerie et de l’œnologie s’appuient aujourd’hui.
RD : Comment ces livres-objets se sont-ils multipliés et où sont-ils fabriqués ?
V.L. : Depuis le lancement du 54 arômes
, la collection s’est étoffée avec un livre-objet de 24 arômes pour les vins rouges et blancs, 12 arômes pour les vins rouges ou les vins blancs et champagnes, et 6 arômes pour le Clin de Nez. Nous avons aussi un opus sur les défauts et un autre sur le fût de chêne. En parallèle, des livres-objets sur Le Nez du Café, le Nez du Whisky, du Bourbon et de l’Armagnac, sont venus ouvrir les horizons de la collection. Dans notre entreprise, qui fédère moins de 10 personnes, j’élabore les flacons avec des aromaticiens en m’approvisionnant auprès de la parfumerie de Grasse, chez les mêmes fournisseurs que les grandes marques. On flaconne à Cassis dans notre atelier de production, les livres sont imprimés en Bretagne et les coffrets sont fabriqués dans la Drôme pour garder cette dimension artisanale qui nous est si chère.

R.D. : Comment faites-vous évoluer le contenu pédagogique de ces ouvrages et quels sont les challenges ?
V.L. : En tant que bêta-testeuse du Nez du Vin dans mon enfance, j’ai passé ma vie à déguster, et mon ancien parcours de comédienne me permet de nommer facilement les émotions et de faire appel à ma mémoire pour désigner les odeurs. Depuis mon arrivée à la direction du pôle arôme il y a 2 ans, je me lance sans cesse dans des challenges extrêmement stimulants, car le contenu des livres-objets est en perpétuel renouveau. Par exemple, avec l’interdiction de l’emploi de la molécule diacétyle, un agent aromatisant qui donne ces arômes de beurre caractéristiques du chardonnay de Bourgogne, il a fallu trouver des solutions équivalentes et alternatives. Cela demande un travail de recherche analytique qui me passionne. Je viens aussi de créer un arôme de thé noir en travaillant avec une parfumeuse, durant 4 années de recherche. C’est un véritable effort d’analyse car synthétiser un arôme de thé, c’est aussi réducteur que de le faire pour le vin en général. Il a fallu décomposer son profil aromatique, l’analyser sous toutes les facettes et trouver un assemblage qui soit représentatif de son bouquet. Le livre-objet sur les défauts du vin a également fait l’objet d’une refonte totale de ses 12 arômes, au regard des évolutions induites par le vin nature. La nouvelle version sortira en mai.
RD : Avez-vous des conseils à donner pour exercer sa mémoire olfactive quand on veut déguster ou parfaire ses connaissances ?
V.L. : Il faut s’entraîner un petit peu chaque jour en sélectionnant au hasard 5 à 6 flacons dans son coffret sans regarder les réponses. Au début, il est difficile d’identifier les arômes, c’est la phase d’approche. Puis, en essayant de les relier à des souvenirs qui nous sont propres, on progresse en recommençant le lendemain. Le but est de reconnaître un arôme en traçant sa propre voie pour y accéder naturellement en dégustant ! Par exemple, la cannelle qui est une épice très sociologique
, nous renvoie chacun à des souvenirs de voyages ou de pâtisseries. C’est en s’y connectant qu’on devient un bon dégustateur, et non pas en ayant un orgue à parfums dans sa tête. Au quotidien, je conseille également de s’exercer en permanence à reconnaître des odeurs : dans la rue, dans le jardin, dans la salle-de-bains. Côté bibliographie, on peut également commencer avec un Nez du Vin 24 arômes, sur le vin rouge ou le vin blanc, ou bien le livre-objet sur les défauts, avant de basculer vers le grand modèle, qui offre un panorama complet des connaissances olfactives ».
Pour découvrir les Éditions Jean Lenoir : www.lenez.com
Crédit photos : Editions Jean Lenoir
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