L'évolution des machines à vendanger

Pourquoi une machine à vendanger quand on peut aller couper le raisin soi-même au lever du soleil, suivi d’un bon déjeuner ? Pourquoi enlever du travail de l'Homme et sacrifier la boisson sacrée pour un robot ? Parce qu’aujourd’hui au moins, la machine vendange bien et que le coût de la main d'œuvre ne fait qu’augmenter. Pendant ce temps-là, l'inflation fait souffrir les caddies, rendant difficile l’équilibre financier du vigneron. Quelques faits sur ces machines qui révolutionnent discrètement le vignoble français.

La progression des machines à vendanger

La vendangeuse, ou machine à vendanger apparaît à la fin des années 50 aux Etats-Unis, période faste de développement de l’industrie alimentaire. Les premières machines peuvent déjà remplacer l’équivalent de 30 ouvriers, avec un rendement allant jusqu’à 15 tonnes de raisin par heure ce qui a forcément réveillé les syndicats de vignerons. La transformation va cependant être rapide, surtout en Amérique et en Australie parce qu’en France c’est une autre paire de manches, les traditions ont la peau dure !

Au début tractées, elles sont aujourd’hui mobiles et donc plus facilement manipulables. La machine enjambe le rang de vigne et secoue les grappes sans les couper, faisant tomber les grumes dans un bac de récupération. Le procédé permet aussi de souffler les feuilles et les sarments restants.

Curieusement c’est à Bordeaux que la machine est le plus vite adoptée. Chez la famille Ducourt, dans l’Entre-deux-mers, on a toujours aimé l’innovation technologique. Le patriarche a senti que c’était l’avenir et le domaine acquiert sa première machine en 1973, c’est un ovni ! Le pari est de pouvoir mécaniser et intervenir rapidement pour traiter les grandes surfaces… Et ils n’ont jamais fait machine arrière avec aujourd’hui 6 vendangeuses prêtes à ramasser le millésime 2024. Les 400 hectares sont récoltés en totalité à la vendangeuse depuis 15 ans, avec chacune sa spécificité pour s’adapter aux différences des parcelles.

Au début, le résultat était mitigé, il aurait fallu trier le raisin encore une fois, le végétal n’était pas toujours respecté. Les rouages tombaient facilement en panne me dit Bernard Ducourt. Alors qu’aujourd’hui, la vigne est bien moins secouée. Des 3 marques sur le marché, toutes ont des trieurs performants et on ne retrouve que des baies, c’est parfois même mieux qu’à la main ! L’un des avantages est qu’il est possible d’atteindre le maximum de maturité sur une parcelle et de ramasser vite au bon moment (la machine met 2 heures 30 pour faire 7000 pieds).

Des machines à vendanger polyvalentes...

C’est aussi un coût initial important avec les premières machines chiffrant à plus de 200 000 francs… Elles sont bien plus chères (et performantes) aujourd’hui avec un coût neuf d’environ 250 000 euros. L’optimisation de la machine est telle qu’il est aussi possible de les utiliser toute l’année, notamment pour le traitement des vignes et même le travail du sol. La seule chose qu’on n’arrive pas encore à faire sont les travaux en vert.

... et un vignoble qu'il s'agit d'adapter

Au-delà des réticences, c’est aussi tout le vignoble qu’il fallait réorganiser, ce qui est devenu moins vrai avec le progrès. Dans les années 70, les vignes sont encore trop étroites, il faudra tout restructurer, maintenant les plantations sont plus larges et la machine peut même passer dans des vignobles non palissés.

Ordinateur de bord au service de nos vignobles

Avec le temps, le processus de tri a fait d’immense progrès. Oubliez la table de tri au chai, elle est embarquée ! Avec un bon réglage, on peut enlever les petites bêtes, les brindilles et tout un tas d’indésirables pour ne garder que le raisin. L'œil de la machine est bien plus performant que celui de l’humain.

Les meilleures machines ont un système de capteur qui permet de calculer le rendement sur chaque zone et la quantité d’anthocyanes. Une balance sophistiquée permet aussi de calculer le poids selon l’endroit. Avec ces résultats, on peut mieux définir comment vinifier, où vendanger et comment conduire sa vigne pour de meilleurs résultats.

Les dernières vendangeuses ne nécessitent même pas de tenir le volant, une fois sur le rang, le conducteur peut s’occuper d’autre chose comme de vérifier le travail des capteurs, la force des secoueurs…

La France, leader sur le marché de la machine à vendanger

Aujourd’hui, on estime que le vignoble français est vendangé à la machine à 80%, ce qui fait une sacrée poignée de vendangeurs en moins. En retour, le vigneron est libre de choisir le jour et l’heure de sa vendange pour chaque parcelle, ça n’a pas de prix. Toutes les vignes ne sont pas encore adaptables, notamment sur des coteaux comme en Moselle, et la législation ne la permet pas dans toutes les appellations. Cependant, la qualité n’intervient plus dans le choix qui est économique et personnel car il est maintenant possible de faire de grands vins vendangés à la machine.

La France s’est bien retournée, c’est aussi aujourd’hui le premier producteur et exportateur de machines à vendanger, les traditions ont du bon, mais il n’a pas dit son dernier mot sur l’innovation.

On peut avoir la nostalgie des grands moments de fêtes de vendanges, des ragoûts qui embaument les domaines, des rencontres qui forgent une vie, mais la réalité économique nous rattrape : il est de plus en plus dure de trouver des saisonniers et la machine est un grand soutien pour le vigneron.

Crédits photos : Famille Ducourt

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