Estelle Roumage, vigneronne à Bordeaux dans l’Entre-Deux-Mers

Estelle Roumage, vigneronne à Bordeaux dans l’Entre-Deux-Mers

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Après avoir découvert le parcours inspirant de Cécile Perraud, néo-vigneronne en Muscadet, nous poursuivons notre série de portraits qui font rayonner la filière vin. Cap sur le bordelais, où Estelle Roumage nous ouvre les portes du Château Lestrille dans l’Entre-Deux-Mers. Un autre terroir, une histoire différente, mais des enjeux communs et une passion partagée, à déguster sans modération...

En traversant le village de Saint-Germain-du-Puch, au cœur de l’Entre-Deux-Mers, entre Bordeaux et Libourne, une halte au caveau de vente du Château Lestrille s’impose. Cet espace coquet et accueillant vous invite à découvrir des cuvées élégamment habillées, réalisées avec amour par Estelle Roumage.

Estelle est une fille du cru, incarnant la 5ème génération du château. Elle est aussi la première femme à en prendre les rênes depuis sa création en 1901 par son arrière-arrière-grand-père.
Après une école de commerce entre la France et l’Angleterre, son envie d’ailleurs l’a menée à Londres, où elle a travaillé chez un importateur de vins, puis à Madrid pour apprendre l’espagnol en vue d’explorer le vignoble chilien. Elle a tout naturellement poursuivi ses études en se spécialisant dans le vin, obtenant un Master à Bordeaux Science Agro ainsi qu’un Diplôme Universitaire d'Aptitude à la Dégustation.

Ce n’est finalement pas au Chili que les hasards de la vie l’ont conduite, mais en Nouvelle-Zélande, où elle a eu la chance de vinifier les fabuleux Sauvignon Blanc de l’illustre région viticole de Marlborough. C’est là qu’elle a pris conscience qu’elle pourrait tenter de reproduire cette excellence dans son Entre-deux-Mers natal.

Je ne sais pas si j’ai toujours su que je voulais reprendre le château. Je pense que cette période de liberté d’une dizaine d’années à l’étranger m’a permis de revenir librement, en étant sûre que c’était le bon choix.

Elle est ainsi revenue aux sources en 2001, exactement un siècle après la naissance du Château Lestrille.

Portrait d’une vigneronne au regard empreint de douceur et de bienveillance, dégageant une force tranquille digne d’une grande dame.

Estelle Roumage, vigneronne au Château Lestrille. Crédit photo : JB Nadeau
Estelle Roumage, vigneronne au Château Lestrille. Crédit photo : JB Nadeau

La WINEista. Comment décririez-vous l’âme du Château Lestrille en trois mots ?

Estelle Roumage. Transmission, partage, convivialité.

LW. Pourquoi l’Entre-Deux-Mers vous fait-il craquer ?

E.R. Pour la beauté de ses paysages et pour les femmes et les hommes qui le composent. Les vigneronnes et les vignerons sont vraiment attachés à leur région. Il y a de la solidarité et une vraie identité dans l’Entre-Deux-Mers.

L.W. Pourriez-vous envisager de faire du vin ailleurs qu’ici ?

E.R. Je suis tellement attachée à ce terroir que ça me paraît difficile. Je pourrais retourner en Nouvelle-Zélande pour une mission ponctuelle. C’est toujours hyper intéressant d’aller voir ce qui se fait ailleurs, de goûter d’autres vins.

L.W. Qu’est-ce que vous aimez le plus dans votre métier ?

E.R. La diversité des métiers. On est à la fois technicien, gestionnaire, commercial, on fait du marketing... C’est magique ! J’aurais beaucoup de mal à exercer un métier où je ferais la même chose tout le temps.

L.W. Qu’est-ce que vous redoutez le plus ?

E.R. Les incidents climatiques, la grêle, le gel, les pluies à répétition, sont vraiment terribles. Nous les avons malheureusement vécus ces dernières années. Sur les 7 derniers millésimes, je suis en moyenne à 65% d’une récolte normale.

L.W. Quel est votre moment préféré de la vigne à la bouteille ?

E.R. Le partage, quand je débouche une de mes bouteilles. Parce que c’est l’aboutissement de tout le travail accompli à la vigne, au chai, pendant l’élevage. Il y a tellement d’étapes cruciales que, lorsque l’on arrive au produit fini, on ressent une vraie fierté. C’est très satisfaisant.

L.W. En tant que représentante de la 5ème génération du Château Lestrille, avez-vous parfois ressenti une pression liée à l'héritage familial ?

E.R. Non, je me suis vraiment sentie libre de revenir. Papa a cependant été un peu inquiet quand j’ai souhaité développer les vins blancs, on est passé de 2 à 15 ha, et j’ai voulu appliquer les techniques de vinification néo-zélandaises.

L.W. Avez-vous rencontré des difficultés en tant que femme dans la filière vin ?

E.R. C’est plutôt l’inverse, ça a été un avantage d’être une femme. Quand je suis revenue en 2001, des journalistes sont venus me voir parce que j’étais une vigneronne. J’en étais presque un peu gênée. A partir du moment où l’on sait se faire attendre, cela ne pose aucun problème.

L.W. Quelle bouteille allez-vous déboucher pour la Saint-Valentin ?

E.R. Ma cuvée Château Lestrille Entre-Deux-Mers, c’est notre fer de lance. Un blanc issu d’un assemblage de Sauvignon Blanc, Sauvignon Gris, Muscadelle et Sémillon, élevé sur lies pendant plusieurs mois. On appelle ça raballotter dans l’Entre-deux-Mers.
Un vin explosif d’agrumes, pêche blanche, ananas, mangue, fleurs d’acacia, avec une attaque franche en bouche, de la rondeur, de la fraîcheur et une belle persistance.

L.W. Avec quel plat allez-vous l’accompagner ?

E.R. Il est très bon tout seul, pour se faire plaisir avec un verre de blanc à l’apéritif. Il se marie à merveille avec les crustacés, les poissons, certains fromages, un tajine de poulet aux citrons confits.

L.W. Si vous étiez un cépage, vous seriez lequel ?

E.R. C’est difficile, il y en a tellement ! D’ici, c’est sûr, je serais un Sauvignon Blanc. Si je sors du Bordelais, je serais un Assyrtiko de Grèce, pour sa fraîcheur et sa tension.

L.W. Avez-vous déjà envisagé de créer un vin totalement inédit, qui sorte des standards bordelais ?

E.R. Je ne l’ai pas seulement envisagé, je l’ai fait. Un Vin de France, issu d’une sorte de solera. On a assemblé 5 millésimes différents. C’est une cuvée qui plaît à tout le monde, qui rassemble. On l’a appelée Un dimanche en famille.

L.W. Quelle est l’idée reçue sur le vignoble bordelais que vous aimeriez déconstruire ?

E.R. Que ce sont des vins faits avec de l’argent plutôt qu’avec des vigneronnes et vignerons. Il n’y a pas que des investisseurs dans le Bordelais.

L.W. Si je vous dis partir en vrille, cela vous évoque quoi ?

E.R. Cela m’évoque les vrilles de la vigne, qui font n’importe quoi !

Merci, Estelle, pour la sincérité et la richesse du moment que nous avons partagé. Au plaisir de se retrouver autour d’un verre d’Entre-Deux-Mers !

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