
Coopérative Plaimont : un collectif viticole gascon dynamique

NDLR (: La coopérative Plaimont a été élue Meilleure cave coopérative internationale 2025
lors du concours international organisé par le magazine spécialisé allemand Weinwirtschaft (éditions Meininger). Plaimont a été désignée deuxième meilleure coopérative viticole au monde et meilleure coopérative de France. La cuvée Plénitude 2019 en AOC Madiran a obtenu la note de 93 points et a été récompensée meilleur vin rouge français de la dégustation.
“Union de Vignerons en Gascogne et Piémont pyrénéen”. Le ton est donné et Plaimont est bien ancré dans son territoire. Née en 1979 d’une vision pionnière et de la conviction que l’union est salutaire, la coopérative Plaimont raconte la formidable renaissance d’une région viticole et la volonté de se réinventer constamment. Avec toujours un temps, un cépage et une cuvée d’avance.
Plaimont : une Histoire, un territoire
Alors que le vignoble de Gascogne, dédié à l’Armagnac, est moribond à la fin des années 1970, trois caves décident de s’unir, sous l’impulsion du visionnaire André Dubosc, vigneron du cru depuis trois générations : Plaimont (Pl = Plaisance-du-Gers, Ai = Aignan, Mont = Saint-Mont) aura pour objectif de développer et de commercialiser, notamment à l’export, des vins qualitatifs issus de ce territoire qui part des contreforts des Pyrénées jusqu’aux collines gasconnes. Presque 50 ans plus tard, Plaimont, aujourd’hui présidé par Olivier Dabadie, est devenu un poids-lourd, ou plutôt une locomotive parmi les vins du sud-ouest. Chiffres à la clef : Plaimont représente 600 familles de vignerons et 5300 hectares de vignes en production, compte 10 châteaux et couvre 5 dénominations.

4 AOC, 1 IGP, œnotourisme : Plaimont sur tous les fronts gascons
C’est ainsi André Dubosc qui est à l’origine des vins blancs secs qui deviendront l’IGP Côtes de Gascogne, ouvrant une nouvelle voie pour le Colombard historiquement dédié à l’Armagnac, et dont Plaimont reste un des principaux producteurs. Mais l’aire d’activité de Plaimont couvre aussi les AOC Saint-Mont, Madiran, Pacherenc-du-Vic-Bilh et depuis peu Jurançon. Au-delà des caves de Saint-Mont, Aignan, Plaisance, Condom et Crouseilles, quelques domaines et châteaux de prestige sont également sous bannière Plaimont comme les Châteaux Saint Go, Sabazan, Arricau-Bordes, Bois Mathieu ou Cassaigne.

Des chiffres encore ? Plaimont représente aujourd’hui 98% de l’appellation Saint Mont, 55% de l’appellation Madiran, 33% de l’AOC Pacherenc du Vic-Bilh et 30% des Côtes-de-Gascogne.
L'œnotourisme n’est pas oublié : Plaimont a racheté et restauré le Monastère de Saint-Mont devenu un hôtel de luxe en 2019 (11 chambres et suites, table gastronomique et bistrot, spa et piscine), fer de lance de l'œnotourisme haut de gamme en Gascogne. Plaimont propose également de nombreuses visites (dont celle de Sarragachies, l’unique parcelle de vignes inscrite aux Monuments Historiques), des dégustations et ateliers (assemblage, cocktail, vins et fromages…).

Un collectif gascon et un modèle
“La cave a été créée pour valoriser notre territoire, dans un contexte de diversification par rapport à l’Armagnac qui allait mal, et raconter notre histoire. Avec une volonté : parler de nos cépages endémiques, élaborer des vins qui répondent aux attentes des consommateurs et partir à l’export. Le tout en s’appuyant sur un modèle qui met en avant le collectif et qui associe les vignerons. Nous avons mis en place un système coopératif dans lequel les vignerons sont co-décideurs, détiennent du capital social et sont impliqués bien au-delà de la livraison de raisins. Nous accompagnons aussi la transmission de nos métiers patrimoniaux en aidant ceux qui ne sont pas fils ou fille de vigneron à le devenir. Et nous misons sur l’innovation tout en gardant nos valeurs : regarder ce qu’on est et ce qu’on possède pour inventer ce qu’on pourrait être demain. Comme disait André Dubosc, on a enlevé les sabots et gardé le béret !” s’enthousiasme Olivier Bourdet-Pees, directeur de Plaimont, toujours un béret fièrement vissé sur la tête, comme les autres vignerons et ambassadeurs Plaimont.

Des cuvées dans l’air du temps et des vins d’exception
Fidèles à leurs terroirs et à leurs cépages, les vignerons de Plaimont produisent une large gamme de vins, alimentée chaque année de nouveautés et s’appuyant sur quelques grandes cuvées.
Parmi les vins emblématiques, le Faite, en vin rouge et en blanc, se veut l’expression des terroirs de Saint-Mont. Orné d’une belle étiquette en bois, il fait l’objet chaque année d’une cérémonie d’assemblage parrainée par des personnalités du vin et de la gastronomie.
En Madiran et Pacherenc-du-Vic-Bilh, le Château Arricau-Bordes est un vignoble historique qui produit deux cuvées d’exception tandis que le Château de Sabazan produit un Saint-Mont rouge de Tannat né sur des sables fauves. Le Cirque Nord illustre, lui, le savoir-faire de Plaimont à la vigne comme au chai pour élaborer un grand vin blanc né sur un amphithéâtre de coteaux exposés nord. Autre bouteille remarquable : “Vignes Préphylloxériques” provient d’une parcelle datant de 1871 épargnée par l’insecte ravageur : un vin qui au-delà de sa qualité organoleptique raconte l’Histoire et l’engagement de Plaimont pour la préservation du patrimoine végétal et immatériel local.
Sans négliger les vins qui ciblent des moments de dégustation et des consommateurs différents : le désormais classique “French Colombard” devenu la marque emblématique Colombelle, le Petit Zinc à l’apéro, le Rosé d’Enfer sur un barbecue, la gamme Elia, un IGP Côtes de Gascogne naturellement faible en alcool (9%) décliné en blanc et rosé ou encore le Paparoc, un rouge tendre de Tannat…
Plaimont : pionnier de la recherche ampélographique
L’idée d’un rouge tendre à partir du cépage Tannat peut surprendre. Mais c’est en faisant évoluer la méthode d’extraction devenant une infusion du raisin que Plaimont a réussi ce pari pour faire un vin en adéquation avec les tendances et modes de consommation d’aujourd’hui. Innover, se réinventer en s’appuyant sur son identité est justement le leitmotiv de la coopérative. “La diversité des cépages des vins du sud-ouest est un vrai atout, confirme Nadine Raymond, œnologue et directrice de cave chez Plaimont. Pionnière voire insolite il y a 40 ans, notre R&D en ampélographie nous permet de remettre à l’honneur des cépages oubliés et de compléter la gamme des cépages utilisés”.
Premier exemple : le Manseng noir, oublié après la crise du Phylloxera car moins tannique et moins riche en alcool. D’un pied retrouvé dans une parcelle et de quelques années d’études de son comportement, naitront quelques cuvées comme la Moonseng. Autre exemple emblématique : le Tardif, lui aussi délaissé pour les raisons que son nom indique mais qui se révèle, à l’aune du changement climatique, précieux. “C’est un cépage à jolies baies roses, qui produit quand il a en envie et se caractérise par une aromatique poivrée grâce à sa richesse en rotundone” précise l’œnologue.
Redécouvert en 2000, première vinification en 2008 et quelques années de bataille règlementaire plus tard, ce cépage entre dans le catalogue des cépages français en 2017 puis dans le cahier des charges de l’appellation Saint-Mont en 2024. “A côté de nos vignes historiques de Tannat, on plante du Tardif, qui a un cycle long, est très adapté au réchauffement et qui donne des vins tendres, aromatiques. Nous avons été visionnaire, nous avons fait un pari il y a plus de 20 ans, mais aujourd’hui on est à l’heure avec la tendance du moment” se réjouit Olivier Bourdet-Pees. “Nous avons la chance d’hériter de 40 ans d’investigation sur nos cépages et d’avoir aussi pu garder de vieilles parcelles car il n’y a pas de pression foncière ici” complète Nadine Raymond.
Cette recherche sur les cépages passe chez Plaimont par la création en 2002 d’un Conservatoire ampélographique à Saint-Mont– le plus important conservatoire de cépages privés homologué en France –, mais aussi par la création de l’Atelier des Cépages, un chai expérimental dédié à la recherche ampélographique. Cette recherche est mise en exergue et partagée au travers de l’organisation des Rencontres Ampélographiques, la 4ème édition ayant eu lieu en juillet 2025.

Interview : 3 questions à Olivier Bourdet Pees, directeur général de Plaimont
Alexandra Foissac : En quelques mots, comment décririez-vous le modèle, la philosophie Plaimont ?
Olivier Bourdet-Pees : Plaimont est une entreprise coopérative et de territoire ancrée sur le Piémont pyrénéen et la Gascogne. Notre volonté est d’innover tout en restant enracinés, d’amener de l’évolution sur les profils de vin tout en gardant notre identité, de s’adapter tout en restant ce qu’on est. A partir de ces fondamentaux, notre modèle de développement s’articule autour de trois grands axes : impliquer les vignerons et les jeunes, être en phase avec nos marchés, miser sur la R&D en se dotant de compétences dédiées (2 ETP chez Plaimont).

AF : En ces temps compliqués pour la filière vin, quelles sont les clefs du succès Plaimont ?
OBP : Cela reste un succès relatif mais nous sommes en vie alors que 40 ans en arrière, ce territoire était mort et nous sommes encore là après 3-4 ans de grosses difficultés de production…
Mais au delà, notre première force est dans le collectif. Le collectif est toujours plus résilient. Mais se réunir doit signifier avoir plus de moyens pour être plus innovant, pas pour produire plus et vendre moins cher. En ces temps difficiles, nous jouons le rôle d’amortisseur et cela marche car nous n’avons pas d’adhérent en redressement. Mais la force de ce collectif réside dans les talents : le modèle coopératif nous permet d’avoir des vrais spécialistes du marketing, de l’agronomie, de la certification/qualité… des gens qui ne produisent pas du vin mais qui étudient nos cépages, qui analysent les signaux faibles et qui réfléchissent, en amont, aux solutions possibles. La technologie (pesticides, désalcoolisation, désacidification…), celle qui corrige un défaut, ne doit être que temporaire : il faut agir en préventif, utiliser la technologie pour prédire les risques, adapter les cépages, les cultures, les techniques de vinification.
Notre diversité de cépages est ici un vrai atout, et permet, grâce à notre stratégie de recherche, d’innover, de s’adapter et de se réinventer en conservant notre identité. L'autre spécificité est que Plaimont a été créé par de vrais visionnaires qui ont orchestré la renaissance d’une région viticole en souffrance. Ici, on a tout le temps gagné ensemble, il y a une confiance dans le collectif et quand Plaimont dit qu’il faut se remettre en question, les gens suivent… Enfin, notre chance réside dans un climat tendanciellement prometteur. Il faisait froid, humide, avec des maturités difficiles à atteindre. Le réchauffement nous permet d’améliorer la maturation de nos raisins tout en conservant la fraicheur et l’équilibre aromatique avec des vins pas trop alcoolisés, ce qui est dans la tendance du moment.
AF : Quelles sont vos réponses face au défi de la déconsommation ?
OBP : Il faut intégrer le consommateur, entendre, écouter et adapter les savoir-faire pour permettre la continuité, sinon on est mort ! Bien sûr, il est important de préserver l’histoire d’un terroir mais on ne peut pas s’arcbouter à vouloir faire boire des choses que le consommateur ne veut plus ! Certes, il faut et il faudra rééduquer ce consommateur sur certains profils de vins mais il faut aussi savoir passer la période en s’adaptant au goût du moment. Cette notion existe depuis toujours chez Plaimont, qui est chargé de commercialiser les vins mais aussi tête de pont pour regarder les évolutions et demander aux vignerons d’adapter les profils de vins. Le consommateur ne veut plus de la cave, des messages et des codes anciens autour du vin. Il ne veut plus faire d’effort pour comprendre le vin, les appellations, les classements : il faut donc simplifier l’accès au vin, retrouver le plaisir du vin. Ce n’est pas vrai que les gens n’aiment plus le vin : ils aiment un vin bien choisi mais il ne faut pas que cela soit une épreuve. Le vin reste une boisson à part.
Chez Plaimont, on a donc écouté les signaux faibles, demandant des vins aromatiques mais un degré d’alcool plus bas et plus de naturalité : Elia, notre cuvée qui est naturellement à 9% d’alcool, est ainsi un gros succès commercial. Le Piémont et la Gascogne sont historiquement très orientés sur le vin blanc (65% chez Plaimont) mais nous faisons le pari que les vins rouges légers vont progressivement regagner des parts face aux rosés. Nous misons aussi sur la premiumisation de nos vins sur le marché français et sur la poursuite du développement de l’export.
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