
A la découverte de la Navarre en 3 expériences œnotouristiques originales

Après vous avoir fait découvrir dans un premier article les belles aptitudes viticoles de la Navarre, communauté espagnole frontalière de la France, nous vous emmenons cette fois-ci dans une promenade œnotouristique au fil d’expériences variées et parfois surprenantes.
Histoire, art et vin à la Bodega Otazu
Mettez le cap huit kilomètres à l’ouest de Pampelune pour découvrir la splendide Bodega Otazu, atypique à plus d’un égard. Remarquable, ce site l’est d’abord par la conciliation extrêmement réussie entre son riche passé historique et la modernité de son époque, notamment via un œnotourisme très abouti, faisant la part belle depuis 1992 à l’art.

Derrière la renaissance magistrale de ce lieu, se cache Guillermo Penso, son propriétaire depuis 1989. Dès son acquisition, ne perdant pas une seconde, il débute des travaux titanesques sur tous les pans du domaine. En 1990, il commence ainsi à replanter le vignoble, historiquement cultivé pour des motifs religieux, mais décimé par la terrible crise du phylloxéra. Dans ce chantier d’envergure, Guillermo Penso s’est alloué les services du célèbre consultant bordelais Michel Rolland, à l’expertise précieuse dans cette zone au climat original pour la Navarre, très similaire à celui de la capitale girondine. Si le consultant-star intervient toujours ponctuellement, la gestion quotidienne est désormais sous la supervision du directeur technique, ingénieur agronome et œnologue Enrique Basarte.
Aujourd’hui, sur les 319 hectares totaux, 116 d’un seul tenant sont plantés en vignes avec des cépages des 2 couleurs (en blanc uniquement du chardonnay, et en rouge du merlot, cabernet franc et sauvignon, tempranillo, pinot noir). L’ensemble des parcelles, chacune nommée en hommage à un poète, écrivain ou musicien qui a créé une œuvre culturelle liée au vin dans sa carrière, est actuellement mené en viticulture durable, avec la volonté à court terme d’aller vers l’agriculture biologique.
Après le vignoble, Guillermo Penso orchestre aussi la rénovation des bâtiments en pierres blondes de cette ancienne seigneurie. Au premier rang de ceux-ci, le magnifique Palais de Otazu, édifié par phases successives entre le XIIème et le XVIème siècle, et qui fut jadis la résidence des grandes lignées de Navarre. Patiemment remonté pierre par pierre pour retrouver son lustre d’antan, il permet aujourd’hui d’héberger les travailleurs de la vigne. Déjà en plein air, l’œil du visiteur est attiré par nombre d’œuvres d’art contemporain, toutes en lien avec l’histoire d’Otazu et la philosophie viticole du domaine, à l’image des nombreuses sculptures disséminées çà et là, ou d’un surprenant dispositif sonore, entre autres. Mais ce n’est que le début de l’émerveillement. Dans le cuvier et le spectaculaire chai cathédrale souterrain en béton et bois, construit en 1840 dans un style à la française
, hors de la ville et au cœur du vignoble, innovant en Navarre, l’art se distille aussi sous ses formes les plus variées.

Avec la conviction que le vin est la seule œuvre d’art qui se boit
et l’envie de le promouvoir comme patrimoine culturel
, Otazu dispose en effet de sa propre fondation privée d'art contemporain, avec plus d’un millier d’œuvres à son actif depuis 32 ans. Tous les 2 ans, 4 artistes sont invités en résidence pour créer une œuvre qui intégrera la collection du domaine. En ode au passé agricole et viticole de ces terres, un musée du vin - là encore parsemé d’œuvres contemporaines - est aussi abrité dans la réception vendanges de l’époque, avec de nombreux outils d’antan en exposition.

Et n’oublions pas l’essentiel, le vin dans tout ça ? La culture de la vigne sur ces terres est attestée depuis le XIIème siècle, et les archives de Navarre montrent qu'au XIVème siècle, de grands rois, à l’image de Charles III de Navarre, appréciaient déjà les vins de cette vallée. Aujourd’hui, bien des siècles plus tard, les nectars locaux sont toujours reconnus pour leur belle qualité. Comme un couronnement des efforts de Guillermo Penso, la Bodega a décroché en 2009 la plus haute distinction dans la classification qualitative nationale des appellations d’origine : la Denominación de Origen Pago (DOP). Seulement une vingtaine de caves à l’échelle du pays jouissent de cette prestigieuse reconnaissance, leur permettant de produire des vins sous leur propre appellation d’origine protégée, en mentionnant leur nom, en l’occurrence AOP Pago de Otazu
. Depuis son tout premier millésime sorti en 1994, la Bodega a su constituer une large gamme de cuvées en 3 couleurs pour tous les goûts, entre vins monocépages, assemblages, avec ou sans élevage en barriques. Parmi elles, sa gamme classique en 3 couleurs, son fameux Pago de Otazu (avec un élevage en 2 couleurs), mais aussi des séries créées en collaboration avec des artistes.
La Bodega, qui reçoit 8 000 visiteurs par an, propose une visite comprenant la découverte complète de la propriété et la dégustation de 3 vins (sur réservation, 59,90 €), ainsi que des événements d’entreprise à la demande.
Señorío de Otazu S/N 31174, Otazu Navarra, Espagne - (+34) 948 329 200 - info@otazu.com
Patrimoine et gastronomie à Olite, capitale du vin de Navarre
Après cette enchanteresse découverte, plein cap vers le sud de la région, direction la charmante Olite, historiquement et encore actuellement référente en matière de traditions et de culture du vin navarrais.

En approchant par la route, ce village médiéval se repère de loin, avec son palais royal (palacio real) dominant de son imposante silhouette de pierres blondes le verdoyant paysage alentour.

Chargé d’histoire, ce lieu qui fut jadis la demeure de Charles III (souverain qui ramena localement le chardonnay et le moscatel) et de la reine Eléonore de Navarre, était non seulement très réussi architecturalement, mais aussi extrêmement avant-gardiste dans sa conception pour l’époque (il disposait par exemple d’un ingénieux système de chauffage intégré aux murs avec des tuyaux !). Détruit après la Guerre d’Indépendance, pillé de ses pierres par les habitants pour construire leurs propres maisons, ce palais fut reconstruit au XXème siècle, se dévoilant aujourd’hui dans un état d’entretien remarquable, avec ses tours offrant une vue imprenable sur la ville et les vignes voisines cultivées à flanc de collines, ses coursives et arches en pierre aux finitions taillées dans la dentelle, son labyrinthe de pièces aux vitraux colorés, ses nombreuses cours intérieures et patios. Un lieu qui vaut vraiment le détour, à découvrir de préférence avec un(e) guide, tant son histoire est riche, et les anecdotes nombreuses.

Notre suggestion en la matière, testée et approuvée : une visite originale un verre à la main
du Palais Royal, de la ville, voire de localités voisines (comme le très beau village médiéval d’Ujué), combinant histoire et dégustation de vin. Ce format a été imaginé par Beatriz López, pétillante et sémillante jeune femme de 33 ans, qui, après avoir exercé durant plusieurs années comme guide touristique (et parle, de ce fait, un excellent français), a créé sur la place centrale d’Olite, avec sa complice Raquél, l’œnothèque Reyna de Copas.

Dans ce lieu aux murs de pierre décoré avec goût, les deux complices distillent depuis fin 2023 les jolis flacons et belles trouvailles d’épicerie fine, très majoritairement de Navarre, et proposent des dégustations (éventuellement sur-mesure).

En parallèle, Beatriz est aussi la gardienne des clés du Musée du vin de Navarre (Enozentrum de Navarre) voisin, mitoyen de l’Office de Tourisme, créé en 2006 dans la maison du bâtard de Charles III, rénové et enrichi en 2022 pour une expérience immersive. Sur 4 étages, ce lieu invite à la découverte de la culture vitivinicole de Navarre sous ses différentes facettes, mettant notamment en évidence l’importance locale du vin rosé, avec une scénographie interactive très réussie. Il peut être visité avec guide, ou en autonomie avec une brochure et des contenus audio et visuels, que ce soit en français, anglais, espagnol ou basque.
A noter : chaque année, a lieu à Olite début septembre la Fête des vendanges. A cette occasion, un pressoir est placé sur la place et connecté à la fontaine, pour le service du vin. Un folklore à ne pas manquer !
www.reynadecopasolite.es
Reyna de Copas - 3 Plaza Carlos III El Noble, Olite, Navarra 31390 – +34 655 09 40 54.
Baku Barrikupel donne une seconde vie aux douelles
C’est une histoire de famille et de savoir-faire complémentaires. Chez les Prieto, Jésus, le père, 62 ans, est artisan charpentier de formation. Originaire de Saint-Sébastien, il a déménagé en Navarre à l’époque où les secteurs de la charpente et de l’ébénisterie y étaient florissants. Âgée de 25 ans, sa fille Amaya est quant à elle diplômée en design avec une option durable. Ensemble, avec la certitude que le vin n’est pas le seul trésor que contiennent les fûts
, ils ont créé en 2018 leur marque Baku Barrikupel (mot né de la contraction de barrica, le fut, et kupela, le tonneau). Dans leur atelier installé au cœur du petit village de Zábal, dans la vallée rurale de Yerri, ils donnent une seconde vie aux douelles de chêne français et américain composant les barriques et tonneaux, lorsqu’elles sont inaptes à l’activité viticole, donc prêtes à être jetées.

Collectées auprès de bodegas et tonneliers partenaires (majoritairement dans la Rioja), les douelles sont nettoyées et retravaillées pour être revalorisées en objets décoratifs et utiles uniques, sortis de l’imagination du duo. Prenant vie grâce aux compétences en design sur ordinateur d’Amaya et au talent manuel de son père, une trentaine de pièces sortent au maximum chaque mois de l’atelier. Parmi elles, les produits stars sont les très belles lampes de formes et statures variées, créées avec un maximum de matériaux recyclés (dont certaines peuvent aussi ingénieusement être combinées pour créer un luminaire plus imposant), déjà plusieurs fois distinguées dans des concours de design. Père et fille ont aussi conçu nombre de petits objets tels que des planches à découper, des plats, des porte-verre ou des décapsuleurs… Des créations esthétiques pensées avec un mélange de rural et de modernité pour enjoliver tous les styles d’ameublements
et accessibles à tous les budgets, à retrouver en ligne sur www.barrikupel.com.
Pour rencontrer les Prieto et tout apprendre de leur éco-conception, vous pouvez également leur rendre visite directement dans leur atelier. Visite classique (8€) ou visite + souvenir surprise (fabriqué main avec les matériaux habituellement utilisés) + déjeuner avec produits locaux : 13 € / Enfant 5 €
Zábal, Valle de Yerri, Navarra (+34) 607 218 934, (+34) 697 898 256 - info@barrikupel.com
A découvrir aussi lors d’un séjour en Navarre….
• Incontournable, au nord, la capitale régionale Pampelune (Iruña en basque et Pamplona en espagnol) qui séduit par son dynamisme. La ville est célèbre à plusieurs titres : pour ses fêtes de la San Fermín (du 6 au 14 juillet), avec ses courses de taureaux (encierros) dans les ruelles pavées encadrées de maisons aux façades colorées, mais aussi parce qu’Ernest Hemingway s’en était follement épris et l’a mise en lumière à travers ses écrits.

Pour une halte gourmande à l’occasion d’une visite, testez les restaurants de tapas et pintxos (ces petites bouchées colorées que l’on déguste en passant avec convivialité d’un comptoir à l’autre) dans un style traditionnel ou plus moderne (à l’image par exemple d’Iruñazarra ou Bearán). Nombre de charmants villages et petites villes hospitalières, abritant des monuments historiques témoins d’un riche passé, méritent aussi le détour (comme Ujué, le château de Javier, le monastère de Leyre, Yesa, Sangüesa, le palais royal d’Olite, Cerco de Artajona…).
• La riche gastronomie : qu’elle se distille au gré des incontournables pintxos ou tapas ou au sein de restaurants étoilés Michelin, la gastronomie locale fait la part belle aux produits du terroir et de saison, tels que les tomates feos
(laides) de Tudela, les sucrines, les asperges, les artichauts, les piments piquillos
, les haricots blancs pochas savamment cuisinés, ou encore les fromages au lait de brebis comme le roncal et l'idiazábal.

A ne pas manquer non plus, les traditionnelles migas
, plat simple et nourrissant à base de pain sec frotté à l'ail, émietté et cuit dans de la graisse de mouton, de porc ou encore dans de l'huile d'olive, parfois agrémenté de petits dés de jambon, à l’origine créées pour sustenter les bergers lors de la transhumance. En accord avec ces mets, les vins en 3 couleurs produits en Navarre seront ses complices de choc. Et dans un autre style, pourquoi ne pas tester l’emblématique liqueur pacharán (créée par macération de prunelles sauvages dans de l’alcool anisé), à l’image de celui de la distillerie Zoco.

• Quelques merveilles naturelles : au premier rang de celles-ci l’immensité, les imposantes silhouettes et les magistrales perspectives des Bardenas reales, plus grand désert d’Europe, qui, avec ses 42 000 hectares, couvre 12 % de la surface de Navarre ! Parmi les autres sites à voir également : des gorges et spectaculaires précipices (foz de Lumbier et Arbaiun), des grottes mystérieuses (Zugarramurdi) ou encore de nombreuses cascades et rivières.

Des remerciements spéciaux à notre guide de choc Mikel Ollo de l’entreprise Destino Navarra (qui propose des visites guidées en Navarre), ainsi qu’aux différents prestataires touristiques, artisans et commerçants qui nous ont fait partager la passion pour leur région, au fil d’un périple dépaysan riche en couleurs et saveurs !
Plus d’informations sur la Navarre : www.visitnavarra.es
Crédits photos : Laura Bernaulte
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